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Fontainebleau ; il n’ignore pas que le roi de Prusse et moi nous sommes d’accord sur les clauses de la convention ; je ne puis pas retirer ma parole. D’autre part, je ne puis pas vous forcer d’apposer votre nom au bas de l’acte tout rédigé que Nesselrode vous présentera ; mais, en ne signant pas, vous assumerez une lourde responsabilité. »

Je déclarai à sa majesté qu’avant de prendre un parti je désirais discuter la question avec le prince de Schwarzenberg et lord Castlereagh. Après en avoir conféré avec eux, je revins trouver l’empereur Alexandre. Je lui dis : « La convention projetée entre votre majesté, le roi de Prusse et Napoléon est trop avancée pour que ma résistance puisse en empêcher l’exécution. Le prince de Schwarzenberg a pris part aux discussions préliminaires ; la conférence où ce traité doit être signé est réunie. Je m’y rendrai, je mettrai mon nom au bas d’un traité qui en moins de deux ans nous ramènera sur le champ de bataille. » Les événemens ont montré que je ne m’étais trompé que d’une année. Le traité fut signé dans la soirée même.

Les clauses de cet acte ont été appréciées très diversement, et cela devait être. La vérité est que la générosité était très déplacée dans cette circonstance, et que la facilité de l’empereur Alexandre à se payer d’illusions a été la cause première d’un arrangement que d’ailleurs Napoléon, dans sa détresse, ne pouvait pas repousser. Je compterai toujours au nombre des scènes les plus curieuses de ma vie publique la conférence entre les plénipotentiaires qui précéda la signature de la convention. Dès l’ouverture de la séance, les articles étaient arrêtés, sauf quelques détails de rédaction. Je ne cachai pas à mes collègues l’impression que me faisait l’installation de Napoléon à l’île d’Elbe. Il n’y en avait pas un qui ne partageât ma manière de voir, et le langage des deux plénipotentiaires de Napoléon ne différait guère du nôtre. Les sentimens qu’ils exprimèrent à ce sujet étaient parfaitement corrects ; ils ne se faisaient aucune illusion. A mon retour de la conférence, j’expédiai un courrier à l’empereur François, qui partit aussitôt de Dijon pour se rendre à Paris, où l’hôtel de la princesse Borghèse avait été disposé pour le recevoir.

Des commissaires des alliés accompagnèrent Napoléon à sa nouvelle résidence. Le général autrichien baron de Koller remplit cette mission au nom de l’empereur. Dans le midi de la France, il eut à faire acte de présence d’esprit et de courage pour sauver le prince confié à sa garde et pour défendre la vie de l’empereur contre les dangers dont il était menacé au milieu des populations ardentes et passionnées de la Provence. L’impératrice Marie-Louise et le roi de Rome furent placés par les souverains sous la protection de leur père et grand-père. Marie-Louise se rendit à Schœnbrunn.