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taxé de faiblesse excessive. Il n’y avait plus qu’à céder. On constitua le comité d’administration sous la présidence du baron de Stein ; mais je constatai, en présence du tzar, que je prévoyais les suites fâcheuses qu’aurait forcément pour la constitution future de l’Allemagne l’influence d’un homme qui relevait directement du parti révolutionnaire. Les événemens n’ont que trop justifié mes prévisions. L’administration, dont l’organisation fut réglée à Leipzig, a servi d’appui et de levier aux factieux, et c’est à son influence directe qu’il faut attribuer en grande partie l’essor révolutionnaire que, dans les années suivantes, l’esprit public prit en Allemagne. Cette administration était formée des gens qui étaient à la tête du parti populaire ; c’est elle qui organisa la révolution qui n’aurait pas manqué d’éclater en Allemagne sans les efforts que firent plus tard les princes alliés pour se sauver eux-mêmes et pour sauver leurs peuples. Il suffit de citer les noms de Jahn, d’Arndt, même de Görres et de beaucoup d’autres, pour ne laisser aucun doute à cet égard.

Francfort était indiqué par sa situation comme le lieu où devaient être arrêtées nécessairement les opérations futures. Jusqu’alors les souverains n’avaient fait que suivre les mouvemens de l’armée après la bataille de Leipzig.

Entre le 18 octobre et le 6 novembre, jour de l’arrivée de l’empereur d’Autriche à Francfort, il n’y eut pas d’autre acte diplomatique que la paix de Fulda, que je signai le 2 novembre avec le roi de Wurtemberg. Les princes de la confédération du Rhin avaient envoyé en toute hâte des plénipotentiaires à Francfort pour s’entendre avec les alliés. Les cabinets réunis chargèrent des délégués de signer les actes relatifs à ces négociations. Ces délégués furent : pour l’Autriche, le baron de Binder ; pour la Russie, M. d’Anstett ; et pour la Prusse, le baron de Humboldt. Ils signèrent en un jour vingt et un traités.

La grande question politique était d’arrêter le plan d’une nouvelle campagne, au point de vue moral et matériel. L’Allemagne était délivrée de la présence de l’ennemi ; en fait de troupes françaises, il n’y restait plus que la garnison des places fortes de l’Oder et de l’Elbe. Les armées alliées, victorieuses sur tous les points, allaient se grossir encore des contingens allemands. Le but de la guerre de 1813 était atteint, Napoléon était rejeté de l’autre côté du Rhin. Quelle devait être la tâche de l’année suivante ? C’était là-dessus qu’il fallait s’entendre.

Voici les bases générales qui furent adoptées : 1° porter la guerre de l’autre côté du Rhin, au cœur de la France ; 2° par ce fait même, porter à l’existence de Napoléon un coup qui serait décisif pour la suite ; 3° attendre l’effet que les revers des deux dernières