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qu’il est organisé par les compagnies financières, de créer une prime de remboursement. Cette prime est parfaitement justifiée, elle est fondée sur la dépréciation possible des métaux précieux et sur le développement naturel de la richesse publique, qui rend la vie plus chère après un certain temps. Elle est aujourd’hui d’une nécessité absolue. Il faut bien que le prêteur retrouve la compensation de l’élévation du prix des choses. A l’époque où écrivait le duc de Broglie, on n’était pas très frappé encore de cette nécessité. On n’avait pas vu l’élévation du prix se produire avec la rapidité qui a eu lieu depuis. Aujourd’hui, le capitaliste et le père de famille qui prêteraient à condition de ne recevoir après un certain nombre d’années que la même somme nominale qu’ils auraient prêtée, manqueraient complètement de prévoyance et s’appauvriraient fatalement. Quant à l’état qui emprunte, le sacrifice que lui impose chaque année la prime, s’il s’agit d’un remboursement à long terme, est si minime qu’il ne peut pas lui causer d’embarras sérieux. C’est d’ailleurs de la bonne économie financière, car on emprunte à de meilleures conditions.

Ce qu’il faut retenir des idées du duc de Broglie sur l’amortissement, c’est qu’il en était grand partisan et qu’il ne comprenait pas le crédit d’un état sans cet auxiliaire indispensable. C’était aussi la pensée de M. Thiers, et il en a donné la preuve en maintenant au budget, malgré tout et dans les circonstances les plus difficiles, les 200 millions destinés à rembourser la Banque de France. Ce remboursement, qui est aujourd’hui à peu près effectué, a diminué notre dette de 1,500 millions.

En résumé, il résulte de l’analyse que nous venons de faire du livre du duc de Broglie que l’auteur a, dans des chapitres spéciaux, mis en relief trois idées principales : 1° la nécessité de subordonner la réalisation de la liberté commerciale, qu’il considère d’ailleurs comme un progrès, à certaines réserves qui sont établies dans un intérêt politique, pour maintenir la sécurité et l’indépendance du pays ; , 2° l’obligation où l’on est de faire rentrer tous les impôts, quelque forme qu’ils prennent, dans les frais généraux de la production, et partant de les faire supporter par le consommateur sans qu’il puisse en être autrement ; 3° enfin l’avantage qu’il y a à recourir à l’emprunt plutôt qu’à l’impôt quand il s’agit de subvenir à une dépense extraordinaire de quelque importance.

Il est regrettable que le duc de Broglie n’ait pas poussé plus loin sa théorie sur les impôts et démontré que la seule chose à examiner en fin de compte était l’effet qu’ils produisaient sur la richesse publique. Il ne nous paraît pas douteux, après ce qu’il en avait déjà dit, qu’il aurait conclu comme nous en faveur des impôts