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ils se dédommageraient en vendant plus cher leurs produits. Et la taxe retomberait en définitive sur le prix des céréales ou de toute autre marchandise. Cette rente du propriétaire et ce revenu du capitaliste n’ont pas été fixés au hasard, ils sont le résultat de l’offre et de la demande : c’est la force des choses qui les a établis. Personne ne s’amuse à les payer pour être agréable à ceux qui les reçoivent, et du moment qu’ils sont dans la force des choses, il faut bien que l’équilibre s’établisse et que le propriétaire et le capitaliste aient le revenu net auquel ils ont droit ; autrement il y aurait des gens qui consentiraient à payer un impôt qu’ils peuvent rejeter sur d’autres, ce qui n’est pas admissible. « Les impôts, a dit J.-B. Say, tombent sur ceux qui ne peuvent pas s’y soustraire, parce qu’ils sont un fardeau que chacun éloigne de tout son pouvoir. »

Les états qui ont établi des taxes sur les valeurs mobilières ont cru faire merveille et n’imposer que le revenu net des détenteurs de ces titres, sans qu’il en résultât aucune charge pour la production : ils se sont trompés complètement. Ceux qui paient les taxes et qui ont droit à un certain revenu, étant données les conditions du marché, ceux-là les rejettent sur d’autres. Et qui est-ce qui les paie ? Ce ne sont pas même les emprunteurs, ce sont les industries auxquelles les capitaux auront été consacrés. La houille, le fer, etc., se vendront un peu plus cher, et les compagnies de transport augmenteront leurs tarifs. On imposerait directement les salaires que l’effet serait encore le même ; du reste, les économistes qui ont bien voulu réfléchir à la question ne s’y sont pas trompés. « Imposer les salaires ou les profits, a déclaré Ricardo, c’est toujours la même chose. » Il aurait pu y comprendre la rente et le revenu des capitaux. « De toutes les recherches auxquelles se livre l’économie politique, fait observer justement le duc de Broglie, la plus vaine, la plus inutile, quelque place qu’elle occupe dans les livres, est celle de constater sur quelle classe de citoyens tombe en dernière analyse tel ou tel impôt. Il tombe en dernière analyse sur le consommateur. Chaque chose, au moment où le consommateur l’achète pour son usage, vaut ce qu’elle a coûté et rembourse dans son prix tous les capitaux partiels qui ont successivement concouru à sa production, y compris l’impôt, et en plus les profits afférens à ces capitaux. » — Il n’est pas moins inutile de s’ingénier, continue-t-il, pour découvrir les moyens de proportionner l’impôt aux facultés des contribuables, d’exiger plus de qui a plus et moins de qui a moins. La dépense de chaque membre de la société se règle naturellement sur sa fortune, et puisque l’impôt se confond inévitablement avec le prix des choses, qui a beaucoup et dépense à l’avenant paie beaucoup d’impôts, qui a peu dépense peu et paie