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aussi à quiconque prétendrait l’imiter[1]. Enfin le droit de réparation entraîne celui de compensation ou de réparation civile, qui consiste à compenser le dommage par un avantage toutes les fois que la chose est possible, à restituer ce qui a été enlevé injustement, en un mot, à réparer tous les effets matériels de l’injustice. Le mot de peine signifia primitivement compensation, indemnité matérielle. La justice pénale se réduit, sous le rapport matériel, à la justice commutative. Je vous ai fait un tort, vous ne pouvez demander qu’une réparation, une compensation, c’est-à-dire encore une restitution, c’est-à-dire encore un échange égal. Dans une nation démocratique, tout tend à prendre la forme d’une compensation de dommages ou d’un échange de services sous la loi de l’égalité. — Si maintenant à tous les droits qui précèdent (défense, répression, intimidation, compensation) on ajoute le devoir d’essayer l’amélioration du coupable, c’est-à-dire d’aider le rétablissement de sa liberté intérieure, qui permettra de lui rendre sa liberté extérieure dès qu’elle aura cessé d’être un danger public, on aura épuisé tous les droits ou devoirs de l’individu lésé et des autres membres de l’association envers l’associé infidèle au contrat commun. Par conséquent, on aura épuisé ce que comporte la justice. Tout surcroît de souffrance ajouté à ce qui dérive expressément de ces différent droits, lesquels se réduisent dans le fonda un seul, celui de réparation, est une violation de la justice et de la fraternité tout ensemble.

Nous pouvons maintenant, après avoir posé ces principes généraux, répondre aux objections de détail qu’a rencontrées notre doctrine. Un critique plein de bienveillance, M. Caro, nous a adressé autrefois ici même, et plus récemment dans ses Problèmes de morale sociale, des objections auxquelles l’importance des problèmes nous oblige de répondre, a Le droit de défense, dit M. Caro, par sa définition même, s’exerce et s’épuise dans l’acte de se défendre contre l’attaque hostile et ne survit pas au danger… Ce droit, c’est toujours la guerre et la guerre cesse contre un ennemi désarmé. Le droit de défense, réduit à lui-même, n’existe pour la société aussi bien que pour l’individu qu’aussi longtemps que l’individu ou la société ont à se défendre. » — Assurément, répondrons-nous, la défense ne doit pas qu’il faut appliquer le levier.

  1. Victor Cousin objecte que, si l’on châtie le criminel à la seule fin d’obtenir un effet utile à la société et pour détourner du crime, on obtiendra le même effet en châtiant l’innocent ; « car la peine, en frappant l’innocent, produirait autant et plus de terreur et serait tout aussi préventive. » Cette phrase échappée à l’éloquence de Victor Cousin revient à dire, comme on l’a remarqué : « Nous voulons effrayer les coupables, frappons les innocens. » Pour prévenir le crime, c’est évidemment le crime qu’il faut condamner, non son contraire. Si l’on veut soulever un obstacle avec un levier, par exemple une pierre, ce n’est pas à côté de l’obstacle, mais à l’obstacle même