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Faust et de Méphistophélès, sous cette course aux gibets, mettez la musique de Berlioz, vous aurez le dernier mot du romantisme. Est-il assez insolemment planté sur sa monture, ce diable ergoteur et sophistiqueur ? Faust éperdu galope au secours de sa victime, et lui, pendant ce temps, disserte ; il épilogue, échange des sarcasmes avec les spectres, les pendus et les sorcières qui bordent la route. Témérité bizarre des jugemens humains ! n’ai-je pas entendu de révérends critiques, des critiques d’art, s’il vous plaît, raconter aux gens bénévoles que Delacroix ne savait pas dessiner, et leur en donner pour preuve cette estampe : « Voyez ce Méphisto, s’écriaient-ils, quelle dégaîne ! il n’est pas même en selle, et, posé de la sorte, un cavalier ne tiendrait pas une minute. » Bien pensé, profonds aristarques ! Seulement, que voulez-vous ! le diable est le diable, et cette qualité le dispense de pratiquer l’équitation selon les règles de Pluvinel et du comte d’Aure. Deux voyageurs galopent par la campagne ; l’un est un être humain, l’autre un démon ; il fallait d’un coup de crayon marquer la différence, et ce que vous appelez une faute pourrait bien être un trait de génie. — Continuons d’esquisser le paysage : Quelques-unes de ces maisons avaient par derrière des petits jardins enclos de murs ; sur les places étaient des puits et des fontaines, où venait jaser le menu peuple des servantes, et par les lourdes portes fortifiées, la multitude, aux jours de soleil et de fête, se répandait à travers champs. Ce tableau, Goethe l’avait partout sous les yeux ; il le retrouvait à Francfort, à Strasbourg, à Leipzig, à Weimar même, où, devant la maison qu’il