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l’intensité et la durée. On nous dira que cette lutte est inévitable ; et que des évêques en donnent le signal. Il en est, nous le savons, qu’une logique intraitable emporte à des extrémités où, grâce à Dieu, ils ne sont suivis que par l’Univers. Comment ne voient-ils pas qu’en déclarant la guerre au libéralisme, aussi bien qu’au jacobinisme, c’est la société moderne elle-même qu’ils défient et qu’ils obligent à se mettre en défense ? Heureusement que la sagesse de l’église par le autrement par la bouche de la plupart de ses évêques et de ses prêtres. Qu’est-ce donc que le libéralisme, sinon la doctrine de la liberté pour tous ? Quoi qu’il en soit, si la lutte est inévitable entre l’esprit catholique et l’esprit moderne, la politique n’est pas le terrain où elle doit s’engager : c’est dans la sphère paisible et froide de la science et de la pensée qu’il faut la laisser, là où l’esprit moderne fait son œuvre de progrès lentement et sûrement, en pleine paix et en parfaite liberté. La politique, toute-puissante dans sa sphère, peut, en s’attaquant à la religion et à ses prêtres, faire beaucoup de bruit, semer l’agitation et le trouble, provoquer des crises auxquelles les gouvernemens résistent moins que les religions ; elle ne peut rien contre une puissance qui sait se taire et attendre de meilleurs jours, sans cesser de travailler à son œuvre de foi et de dévoûment.

Nous voici au terme de notre conclusion. Quoi qu’il arrive, la politique de notre pays rentrera enfin dans la grande voie d’où elle n’eût pas dû sortir. Quand la parole parlementaire se fera entendre et qu’il sera fait appel au patriotisme de tous les partis, devant l’Europe qui nous regarde avec tant d’intérêt, nous ne désespérons pas encore de revoir les jours de paix intérieure, d’heureuse union que nous avons vus dans les premiers temps de l’assemblée nationale, alors que tous les partis semblaient s’être confondus dans une commune préoccupation du salut de la patrie, et que, sous le coup de nos malheurs, la république était réellement le gouvernement qui nous divise le moins. C’est le moment ou jamais de reprendre la patriotique tâche à laquelle le premier président de la république nous conviait, que le second, on lui rendra cette justice, avait tant à cœur de continuer, et que le troisième entend achever. L’heure est propice ; toute l’Europe fait des vœux pour nous. L’Angleterre nous assure de sa sincère amitié, si nous sommes sages, et elle nous en a donné une preuve dans une grave circonstance. La Russie, qui nous a montré non moins de sympathie alors, nous la gardera, si nous sommes forts. D’autres puissances ont le même désir sans l’exprimer. M. de Bismarck lui-même nous promet avec une sorte d’effusion une parfaite entente avec l’Allemagne, si nous savons nous contenter d’être heureux et prospères. La France