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politiques mal inspirés, il a fait reconduire à la frontière ces princes accourus à la défense de leur patrie, sous un gouvernement républicain. C’était aussi le sentiment du pays, qui a donné son or et ses enfans, sans compter ni hésiter. C’était le sentiment de cette assemblée qui a débuté par un acte d’adhésion à la république et fini par une constitution républicaine. On voulait avant tout la paix intérieure et l’union ; on sacrifiait l’intérêt de parti à l’intérêt suprême du pays. Comment se fait-il donc que le parti républicain ait oublié tous ces souvenirs ? comment ne se rappelle-t-il plus qu’il a applaudi à la voix de M. Thiers annonçant une république qui serait le gouvernement de l’union ? Nous le savons, hélas ! mais nous savons aussi que si la faute en est à tous les partis, le nôtre n’est pas celui qui a la moins lourde responsabilité dans cette rupture de la trêve patriotique. Et depuis que cette trêve a fait place à l’établissement définitif de notre gouvernement de prédilection par les mains mêmes de nos adversaires, n’était-ce pas aux vainqueurs d’ouvrir leurs bras aux vaincus, à tous ceux du moins qui rendaient leurs armes et n’offraient de ne les reprendre que pour défendre avec nous la république libérale et conservatrice ?

Pourquoi s’acharner sur des vaincus résignés à leur défaite, si l’on n’a pas de vengeance à exercer ? Et pourquoi cette manie d’épuration perpétuelle, si l’on n’a pas d’appétits à satisfaire. En épurant nos administrations, trouve-t-on que la république a trop d’amis ? Et trouve-t-on qu’elle n’a pas assez d’ennemis, quand on met le pied sur le cou de ses adversaires, comme l’a dit un homme d’esprit qui est des nôtres ? Notre humble avis est que ce n’est point la meilleure manière de servir la république, et que, si elle pouvait parler, elle dirait avec ce personnage historique dont le nom ne nous revient pas : « Mon Dieu ! Délivrez-moi de mes amis. Pour mes ennemis, je m’en charge. » Pourquoi enfin s’attaquer à des prêtres qui ne demandent qu’à rester étrangers à la politique ? Il faut qu’il y ait dans la campagne qui se poursuit avec une persévérance désespérante plus que des représailles, plus que des passions, plus même que des haines : il y a un parti pris, un dessein conçu, un plan arrêté, une entreprise enfin dont l’exclusion des jésuites n’est que le début ; il y a, en un mot, l’œuvre d’une secte encore plus que d’un parti. Ce n’est plus une affaire politique, c’est une affaire de doctrine, on serait presque tenté de dire de dogme et de religion, où se montre quelque chose de l’ardeur et de l’âpreté des passions religieuses. C’est là ce qui en fait la gravité. Il ne s’agit plus d’un incident qui paraît et disparaît avec la situation politique qui l’a amené ; c’est une lutte entre deux principes, deux esprits, deux tendances, dont il est impossible de mesurer