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le vide, la peur et la haine. Seulement les jacobins du vieux temps ne se bornaient point à épurer ; ils supprimaient ou proscrivaient leurs adversaires. Les nôtres se contentent de leur ôter la parole en attendant que des successeurs plus violens reprennent la sanglante tradition de la convention de 1793 et de la commune de 1871. C’est l’esprit jacobin qui souffle au gouvernement la pensée de soumettre la magistrature à une investiture nouvelle, et toutes les administrations publiques, particulièrement l’armée, à cette formule toute monarchique du serment, dont la république libérale de 1848 avait délivré la conscience de nos fonctionnaires. On voit comment il est possible d’être radical sans être jacobin, le premier étant un homme de principe, tandis que le second n’est qu’un homme de parti. La politique radicale a le défaut d’être une application trop absolue ou trop hâtive des théories. Elle n’est vraiment à sa place que dans ces crises suprêmes de la vie d’un peuple où les grands maux appellent les grands remèdes. La politique jacobine est la perpétuelle violation des principes. Il est bien difficile aux philosophes qui pensent à la politique de ne pas éprouver quelque impatience des lenteurs du progrès social, et de ne pas chercher à l’accélérer. Il y a donc des radicaux parmi eux ; mais ce qu’on n’y rencontrera jamais, c’est un philosophe jacobin. Cette espèce de politique naît et se forme ailleurs qu’à l’école de la philosophie, où l’on enseigne avant tout la liberté, et voilà comment on peut écrire un livre sur la Politique radicale et même sur la Démocratie, sans approuver l’article 7.


V

Nous fermons cette parenthèse que le lecteur trouvera un peu longue, et nous arrivons à notre conclusion. Il est urgent d’en finir d’abord avec ce régime du silence, des petites intrigues et des négociations secrètes, où l’on ne s’explique clairement sur rien, où l’on parle plutôt pour cacher sa pensée que pour la montrer, où il n’y a plus, pour voter, que le mot d’ordre et la consigne. Sous un tel régime, les séances du parlement perdent leur intérêt. Le parlement n’est plus qu’une mécanique à voter, dans laquelle les individus ne servent qu’à faire un chiffre de majorité ou de minorité fixé à l’avance par des chefs qu’une popularité plus ou moins bien acquise rend tout-puissans. Que dire de ces discours d’apparat qui retentissent dans le vide, ou de ces discussions oiseuses qui se traînent péniblement, devant les auditeurs distraits ou indifférens qui ont leur parti pris et leur bulletin prêt sur toute question ? On nous dit que les choses se passent ainsi dans le parlement anglais. Oui, mais avec cette différence que les chefs du