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ce jeu des officieux, en faisant annoncer l’amnistie plénière à grand fracas. Il connaît trop le parti et surtout le peuple qui l’acclame encore pour avoir imaginé cette sorte d’épouvantail qu’on montrerait au sénat uniquement pour arracher l’article 7 à son effarement. Il sait qu’on ne joue point avec le feu, qu’on ne jette pas impunément de telles promesses aux partis ardens, si l’on n’a pas la volonté de les tenir. D’ailleurs, nous ne voyons point ce que la politique conservatrice et libérale pourrait gagner à ce jeu. La question de l’amnistie plénière, selon nous, a beaucoup moins de gravité que la question soulevée par l’article 7. Ce serait une cruelle épreuve pour cette politique d’avoir à se résigner à une amnistie de gens qui se vantent de leur crime et se déclarent prêts à recommencer. Mais cette épreuve est déjà subie aux trois quarts par l’acceptation d’une amnistie partielle qui a eu pour résultat l’élection de Javel. Ce n’est pas la rentrée dans leur pays incendié de quelques chefs de la commune, la plupart sans crédit et sans nom, qui fait la gravité de cette mesure ; c’est le mot même d’amnistie qui permet une sorte de réhabilitation. La grâce à tous n’était pas aussi dangereuse que l’amnistie à quelques-uns. L’amnistie plénière nous renverra quelques communards endurcis qui feront peut-être moins parler d’eux qu’on ne le craint. Mais l’article 7 a une tout autre gravité, en ce qu’il vise une de ces libertés nécessaires que l’on croyait définitivement acquises. Le trouble et l’amertume qu’il répandra dans une partie considérable de la société française ne passeront pas demain, On en parlera longtemps ; on en parlera toujours, jusqu’à ce que le droit enlevé à des citoyens français leur soit rendu par une politique réparatrice. Le ministère ferait un faux calcul s’il espérait retrouver, par sa résistance à l’amnistie plénière, les sympathies des conservateurs, que lui ferait perdre le vote de l’article 7. Entre cette amnistie qui n’est que la conséquence déplorable d’une fâcheuse concession, et l’article 7 qui est le premier acte d’une politique d’intolérance et de persécution, tous les conservateurs et bien des libéraux n’hésiteraient pas, s’il fallait choisir. Il ne suffit donc point que le ministère repousse l’amnistie plénière. Puisqu’il ne peut retirer une loi déjà votée par l’une des deux chambres, qu’il laisse amender par le sénat les lois Ferry sur l’enseignement supérieur et sur la réorganisation du grand conseil de l’instruction publique, sans faire d’aucun de ces amendements nécessaires une question de cabinet. S’il ne peut réparer le mal déjà fait, dans nos administrations publiques, par un système d’épurations arbitraires, qu’il ne les livre plus aux passions et aux ambitions politiques. Qu’il résiste non-seulement à l’esprit de désordre, mais encore à l’esprit de parti, qu’il soit ferme contre toutes les factions, libéral envers toutes les opinions, juste pour tous les services, qu’il gouverne, en un mot, de