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les questions de principes ou d’affaires qu’on voudrait soumettre à son approbation. Le mandat impératif, fût-il l’expression directe de la volonté populaire, et non de l’initiative de comités électoraux qui l’interprètent à leur façon, réduirait les mandataires du peuple à n’être plus que les serviteurs très embarrassés d’un maître qui ne par le point. L’appel au peuple n’est qu’une machine de guerre entre les mains d’une minorité factieuse qui ne veut pas attendre l’heure légale de la justice du pays. Il n’y a, dans un véritable gouvernement constitutionnel, d’autre appel au peuple que les élections générales, selon les formes prescrites, et dans le temps fixé par la constitution. Quant au plébiscite, on le comprend dans une démocratie césarienne, où un maître gouverne avec des chambres sans pouvoir réel. Il faut bien que le despote, qui use et abuse du pouvoir, s’adresse de temps en temps au peuple qui a ratifié son usurpation par une première acclamation, soit pour retrouver dans une acclamation nouvelle la force et le prestige que lui enlèvent peu à peu les progrès de la véritable opinion publique, soit pour se décharger en partie sur la multitude ignorante et crédule d’une responsabilité qui lui pèse, à l’une de ces heures où cette opinion lui crie : « Qu’as-tu fait de la fortune du pays ? » Mais s’il s’agit d’une démocratie qui ne reconnaît d’autre souverain que le peuple réuni dans ses comices, qui peut la gouverner, sinon l’assemblée des mandataires élus qu’on nomme le parlement ?

Toute démocratie, si elle ne préfère un maître, doit donc vouloir un parlement et une constitution, un parlement qui gouverne pour elle, une constitution qui serve de règle tout à la fois à l’initiative parlementaire et à la volonté populaire. S’il est un régime politique qui ne puisse se passer d’une constitution, c’est notre démocratie républicaine. Quand un pays n’a plus ni monarchie, ni aristocratie, ni aucune institution héréditaire, où veut-on que son gouvernement trouve son assiette, sinon dans une constitution ? L’état démocratique est un navire qui vogue sur l’Océan. S’il n’a pas de constitution, il manque tout à la fois de gouvernail pour assurer la direction de ses mouvemens, et de lest pour résister à l’entraînement des vagues. Avec la mobilité du suffrage universel, quel est le gouvernement qui serait assuré du lendemain ? C’est aujourd’hui : Vive la république ! ce sera demain : Vive l’empire ! après demain : Vive la royauté ! selon les impressions "diverses de la démocratie la plus mobile qui existe, la plus facile à séduire et à entraîner. À cette démocratie il faut donc une loi qu’elle soit tenue de respecter, tant que ses mandataires, plus réfléchis et mieux instruits de ses véritables intérêts, n’auront pas reconnu la nécessité de changer cette loi sous laquelle le pays vit dans l’ordre et dans la paix. Seulement, si les pouvoirs publics veulent que la constitution soit respectée de