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enlever le vote. Andrew Jackson réussit à se faire réélire en 1832, et cette fois, décidé à en finir, il n’hésita pas, malgré l’opposition du congrès et de son cabinet, à faire retirer de la banque tous les fonds de l’état. Ce retrait inattendu provoqua une panique financière ; le congrès protesta ; deux tentatives d’assassinat eurent lieu contre le président, mais, en dépit de la clameur publique et de la détresse universelle, A. Jackson persista. Le sénat vota une résolution déclarant que le président avait outrepassé ses pouvoirs et violé les lois. Il tint bon, et trois ans plus tard, sur la proposition de Benton, le congrès revenait sur cette résolution et décidait qu’elle serait rayée du registre des délibérations. La banque des États-Unis était supprimée et remplacée par l’organisation actuelle du trésor public.

Les banques nationales, œuvres de Chase et du président Lincoln, n’offrent qu’une lointaine analogie avec celles dont nous venons de résumer l’histoire, mais les adversaires du parti républicain voient en elles aussi des instrumens de corruption électorale aux mains de leurs ennemis. L’opinion publique s’est émue ; au congrès et dans la presse, elles ont été violemment attaquées et violemment défendues. Cette agitation, coïncidant avec celle que provoquait l’annonce de la reprise des paiemens en numéraire, a déterminé la naissance d’un nouveau parti qui, sous le nom de greenbacker, a joué un rôle dans les dernières élections et donné l’appoint de ses voix aux démocrates.

Ce parti s’est recruté dans tous les camps, aussi bien parmi les démocrates que parmi les républicains. Le signal est parti de l’ouest, le mouvement s’est propagé dans le nord comme dans le sud, et, si l’on peut dire d’une manière générale que les démocrates s’y montrèrent plus favorables que les républicains, il n’en est pas moins vrai que dans plusieurs états ces derniers s’y sont ralliés. D’où viennent et que veulent les greenbackers ? Leur nom est emprunté au papier-monnaie créé pendant la guerre de sécession. Imprimé sur papier vert d’eau, on l’appela populairement green-back (dos vert), et ce sobriquet passa d’abord dans la langue usuelle pour se glisser ensuite dans les cotes de la bourse et enfin dans le langage officiel. L’émission prodigieuse de greenbacks à laquelle le gouvernement dut recourir pendant les temps difficiles eut pour résultat de faire disparaître de la circulation les espèces métalliques avec lesquelles seules on pouvait solder les achats à l’étranger. Ce papier, qui ne s’exportait pas, devint la monnaie courante et on fabriqua des billets de 25 centimes et de 50 centimes pour les transactions quotidiennes. La guerre terminée, l’or et l’argent reparurent lentement, mais pour être aussitôt absorbés par les paiemens des droits de douane. D’une part les masses s’étaient habituées aux