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faveur desquels il existait une présomption suffisante qu’ils sauraient exercer le droit électoral avec indépendance et avec lumières. Quant aux signes auxquels cette compétence politique devait se présumer, le ministère avait tenu compte des divers systèmes qui avaient été mis en avant, sans en adopter exclusivement aucun.

Dans les bourgs, tout propriétaire ou locataire d’une maison d’un loyer annuel de 250 francs était en possession du droit électoral. Le ministère proposait de raccorder également à toute personne possédant en titres de rentes, en actions de la Banque ou de la Compagnie des Indes un revenu annuel de 250 francs. La propriété mobilière était donc mise sur le pied d’égalité avec la propriété foncière. On avait fait aussi la part de l’intelligence, en appelant à l’électorat tous les gradués des universités, tous les ministres des cultes régulièrement institués, les maîtres d’école pourvus de diplôme, les hommes de loi, les médecins et tous les anciens fonctionnaires civils et militaires, jouissant d’une pension de retraite d’au moins 500 francs. Enfin, les droits du travail et de l’économie n’étaient pas méconnus, puisque la franchise électorale était également attachée à la propriété depuis un an révolu d’un livret de caisse d’épargne montant à 1,500 francs, ou à l’occupation d’un appartement dont le loyer s’élèverait à 500 francs.

Pour être électeur dans les comtés, il fallait ou être franc-tenancier, c’est-à-dire propriétaire d’un immeuble d’une valeur locative d’au moins 40 shillings, ou payer un loyer de 1,250 francs. M. Bright avait demandé que le chiffre de loyer nécessaire fût abaissé à 500 francs. M. Disraeli allait plus loin, et se fondant sur l’approbation que la chambre avait donnée par deux fois à une motion de M. Locke King, il réduisait ce chiffre à 250 francs, effaçant ainsi toute distinction entre les électeurs des bourgs et ceux des comtés. C’était cette partie du bill qui avait paru inacceptable à MM. Walpole et Henley. Le premier déclara qu’il aurait consenti à ce que le loyer nécessaire dans les comtés fût abaissé à 500 francs, mais que descendre plus bas lui paraissait une mesure révolutionnaire. M. Henley, tout en se déclarant partisan de l’admission des ouvriers à l’électorat, était opposé à l’uniformité du droit de suffrage : le maintien de diverses catégories d’électeurs lui paraissait indispensable pour assurer leur part de représentation à tous les intérêts. Au fond, tous les deux, et avec eux bon nombre de conservateurs appréhendaient que la création de deux cent mille électeurs nouveaux dans les comtés n’altérât profondément le caractère des collèges électoraux au sein desquels la prédominance des intérêts agricoles était le mieux assise, et n’affaiblît considérablement l’influence de la propriété foncière.

Cependant M. Disraeli avait introduit un correctif dans le bill en