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tenaient la première place dans les préoccupations publiques. M. Disraeli aurait souhaité également que M. Gladstone, qui était hors du pouvoir depuis trois ans et qui avait pris parti contre lord Palmerston, consentît à entrer dans le cabinet ; mais ses ouvertures ne furent point accueillies. M. Gladstone se réservait. La première place dans le parti conservateur était nécessairement acquise à M. Disraeli ; il ne pouvait donc de ce côté prétendre plus haut qu’au second rang ; il, avait l’ambition et il se sentait la force d’occuper le premier. De l’autre côté, au contraire, l’âge avancé de lord Palmerston et de lord Russell permettait de croire que la première place ne tarderait pas à être vacante, et M. Gladstone ne voyait personne qui fût de taille à la lui disputer. Il ne pouvait devenir le collègue de M. Disraeli lorsqu’il rêvait d’être son rival : il se contenta de protester de ses bonnes dispositions à l’égard du nouveau cabinet.

Le ministère débuta par quelques succès diplomatiques. Il réussit à rétablir les bons rapports avec la France ; il obtint du roi de Naples pour l’emprisonnement des mécaniciens anglais du Cagliari la satisfaction qui avait été refusée à lord Palmerston. Il conclut un traité de commerce avec le Japon, et la ratification du traité de Tien-tsin termina les démêlés de l’Angleterre avec la Chine. Une convention mit fin à la souveraineté et aux privilèges de la Compagnie de la baie d’Hudson et ouvrit à la colonisation l’île de Vancouver, ainsi que les territoires de la Nouvelle-Calédonie et de la Colombie. Un des obstacles principaux à la prospérité de l’Irlande était la constitution vicieuse de la propriété ; les mesures de confiscation avaient été si fréquentes et si générales que presque aucun des possesseurs du sol n’avait de titres en règle et ne pouvait justifier de ses droits de propriété : le ministère fit voter une loi qui facilitait les aliénations d’immeubles et conférait aux acquéreurs un titre inattaquable. Le budget présenté par M. Disraeli fut d’autant mieux accueilli que l’état du revenu public permettait une diminution notable de l’income tax. Les deux discussions les plus importantes de la session roulèrent sur l’admission des Israélites dans le parlement et sur la nouvelle organisation du gouvernement de l’Inde.

Le baron Lionel de Rothschild avait été, en 1857, réélu pour la quatrième fois par la Cité de Londres, qu’il représentait depuis 1847 sans avoir pu siéger. Les bills qui avaient eu pour objet de modifier la formule du serment parlementaire, afin qu’il pût être prêté par les israélites, avaient été invariablement rejetés par la chambre haute. M. Disraeli, qui, dès le premier jour avait parlé et voté en faveur de l’admission du baron de Rothschild, était resté fidèle à cette cause et y avait gagné une partie de ses amis de la chambre des communes. Lord Derby s’y était toujours montré