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qui devait, vingt ans plus tard, envoyer le prince de Galles parcourir l’Hindoustan et opposer au prestige du tsar blanc celui de l’impératrice des Indes ?

L’attentat d’Orsini, par les conséquences imprévues qu’il entraîna, devint une nouvelle cause d’affaiblissement pour la popularité de lord Palmerston. Les susceptibilités du peuple anglais furent éveillées par le ton des adresses envoyées à l’empereur par quelques colonels de l’armée française. Les adversaires du premier ministre, enflammés par le ressentiment de leur défaite, entreprirent de tourner l’opinion publique contre lui, et se firent une arme des ménagemens qu’il croyait devoir garder vis-à-vis du gouvernement français. Ils représentèrent comme un acte de faiblesse et comme une atteinte à l’hospitalité britannique un bill qui avait pour objet de prévenir et de réprimer les complots contre les souverains étrangers. Loin de suivre l’exemple des libéraux, qui se répandaient en attaques violentes contre la France et son gouvernement, M. Disraeli se déclara partisan de l’alliance française ; il soutint que cette alliance devait être mise en dehors du débat. Réservant l’examen de la mesure en elle-même, il vota pour la première lecture du bill afin d’établir qu’il ne le repoussait pas en tant que satisfaction donnée aux justes plaintes d’un allié. A la seconde lecture, il le combattit comme inefficace parce qu’il n’ajoutait rien aux moyens d’action du gouvernement, et comme inutile parce que la législation existante, si elle était appliquée avec fermeté, armait les ministres de pouvoirs suffisans. L’acquittement du docteur Bernard ne devait pas tarder à démentir cette appréciation de M. Disraeli. Lord Palmerston, qui croyait sa position inexpugnable, se trouva contre son attente en minorité ; il donna aussitôt sa démission, et lord Derby fut chargé pour la seconde fois de former un cabinet.

Le court passage des tories aux affaires en 1852 avait permis à quelques-uns d’entre eux de faire leurs preuves de capacité ; plusieurs années de lutte les avaient formés et aguerris ; la forte organisation du parti et ses progrès incessans ne permettaient plus d’appréhender qu’en s’engageant dans ses rangs on se fermât les avenues du pouvoir : les jeunes talens ne s’en écartaient donc plus. Le ministère fut formé en trois jours, et l’on vit débuter dans les postes secondaires quelques hommes nouveaux qui acquirent promptement l’oreille du parlement : sir Hugh Cairns, aujourd’hui lord chancelier, M. Whiteside, M. Gathorne Hardy. Le général Peel se montra un excellent ministre de la guerre. Lord Ellenborough, qui avait laissé de grands souvenirs comme gouverneur général de l’Inde, accepta la présidence du bureau du contrôle et apporta au gouvernement un concours d’autant plus précieux que les affaires anglo-indiennes