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timorés et jeté sur les idées libérales une incontestable défaveur.

On vit donc, non sans quelque surprise, la plupart des élections partielles tourner au profit du parti tory ou du parti conservateur, comme son nouveau chef affectait de le nommer. Toujours sur la brèche, M, Disraeli, soit sous la forme d’une demande d’enquête, soit à l’occasion du budget, ramenait sans cesse l’examen des souffrances et des griefs de l’agriculture. Lui-même ne parlait jamais que des compensations à accorder aux intérêts agricoles par la réduction des charges qui pesaient sur eux ; mais il n’osait encore se prononcer ouvertement contre le rétablissement d’un droit à l’importation, de peur de heurter trop violemment les illusions que conservaient encore la plupart de ses amis politiques : à côté de lui, quelques esprits obstinés, tels que le colonel Sibthorp et M. Newdegate, ne manquaient jamais d’élever, en faveur d’un retour pur et simple au régime protecteur, des réclamations qui ramenaient immédiatement la concorde parmi les adversaires des Corn Laws. Sur une autre question encore, M. Disraeli se montra plus éclairé et plus sincèrement libéral, non-seulement que la plupart de ses partisans, mais même que quelques-uns des hommes qui faisaient depuis le plus longtemps profession de libéralisme. Lorsqu’à la fin de 1850, le pape Pie IX rétablit en Angleterre la hiérarchie catholique et conféra au cardinal Wiseman le titre d’archevêque de Westminster, lord John Russell s’empressa d’adresser à l’évêque protestant de Durham une lettre virulente dans laquelle il qualifiait la bulle pontificale d’insolente agression contre le protestantisme et d’usurpation sur les droits de la couronne. Cette lettre était un appel aux passions religieuses ; elle fut le signal de manifestations ardentes contre le catholicisme. Au milieu de cette explosion du fanatisme anglican, M. Disraeli adressa, à son tour, au lord lieutenant du comté de Buckingham une lettre où il signalait l’inconséquence du gouvernement qui prétendait interdire en Angleterre ce qu’il tolérait en Irlande, et où il tournait en ridicule les alarmes du premier ministre.

La majorité ministérielle s’affaiblissait de jour en jour ; Elle ne fut plus que de quatorze voix, le 11 février 1851, pour repousser la motion annuelle de M. Disraeli sur la situation de l’agriculture. Quelques jours plus tard ; M. Locke King présentait une motion pour l’abaissement du cens électoral dans les comtés, et, les tories s’étant, à dessein, abstenus de prendre part à la discussion et au vote, le ministère était battu. Lord John Russell donna sa démission, et la reine fit appeler lord Derby qui ne portait encore que le titre de lord Stanley. Celui-ci, après s’être concerté avec M. Disraeli, déclara qu’il ne pouvait se charger de former un cabinet qu’à la condition d’être autorisé à dissoudre le parlement. La reine