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ou plutôt n’est-ce pas la véritable histoire? Or en ces belles années, où da bruit de leurs grandes actions les Henri IV et les Richelieu remplissent le devant de la scène, toute une forte génération grandit qui sera la génération du siècle de Louis XIV, et dont la piété connut, il est vrai, toutes les défaillances, mais fut, en somme et tout pesé, si profondément sincère. C’est alors que se fondèrent toutes ces grandes congrégations qui toutes ou presque toutes se donnèrent pour tache la diffusion de l’enseignement.

Le pouvoir royal, pour lui, ne s’occupa sérieusement de l’instruction primaire que lorsqu’il y vit, à l’époque de la révocation de l’édit de Nantes, un moyen de pallier les désastreuses conséquences de ce grand coup d’état. Il ne suffisait pas d’avoir chassé les ministres, il fallait les remplacer. C’est à cette occasion que l’ancienne monarchie posa le principe de renseignement obligatoire : « Enjoignons à tous pères, mères, tuteurs et autres personnes qui sont chargées de l’éducation des enfans, et nommément de ceux dont les pères et mères ont fait profession de la religion prétendue réformée, de les envoyer aux dites écoles et au catéchisme jusqu’à l’âge de quatorze ans. » La déclaration est de 1698. Une déclaration de 1724 réitéra les mêmes prescriptions et chargea de plus « les procureurs fiscaux de se faire remettre tous les mois la liste des enfans qui n’iraient pas aux écoles, afin de faire poursuivre les pères, mères, tuteurs et curateurs chargés de leur éducation. » Que des écrivains, entraînés par l’esprit de parti, citent ces textes sans autre commentaire, et qu’ils présentent ces déclarations, assez remarquables d’elles-mêmes, comme des déclarations ou édits sur l’instruction, dont la diffusion de l’enseignement serait le seul but, je ne m’en étonne pas, mais je ne comprends pas pourquoi M. Babeau s’écarte ici de son impartialité habituelle. Ce n’est vraiment pas assez de dire a que Louis XIV, pour faire élever les enfans des protestans dans les principes du catholicisme, n’hésita pas à décréter pour tous l’instruction primaire obligatoire. » Il fallait dire encore que la longue Déclaration de 1698 d’où l’on fait cet extrait était intitulée : Déclaration concernant la religion. Il fallait rappeler surtout que la Déclaration de 1724 est cette déclaration fameuse contre les protestans, par où le duc de Bourbon, le méprisable amant de la marquise de Prie, s’imaginait, dans sa férocité naïve, continuer la tradition de Louis XIV en aggravant les dispositions de l’édit de 1685. Que sert-il en vérité de dissimuler les choses, et ne se trouvera-t-il pas toujours quelqu’un pour les rétablir dans leur vérité? Oui, ce fut dans un intérêt politique, dans une intention de prosélytisme religieux que le gouvernement de Louis XIV et le gouvernement de Monsieur le Duc s’occupèrent de l’instruction primaire. Eh bien, que nous importe? Ils s’en occupèrent : voilà le fait. Un grand bien sortit d’un grand mal, si l’on veut. En fut-il moins un bien? Je pourrais demander quel est le prince ou le gouvernement qui ne mêle pas à ses intentions les plus