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la terre, a cependant une influence très sensible sur le mouvement de rotation du globe autour de son centre. Si la terre était exactement sphérique et homogène, ou si elle était formée de couches sphériques, homogènes et concentriques, l’attraction du soleil n’aurait aucune prise sur ce mouvement de rotation : l’axe de la terre resterait toujours parallèle à lui-même, il irait toujours percer la voûte céleste en un même point; mais l’action du soleil sur le renflement équatorial détermine peu à peu un changement de direction de l’axe de rotation de la terre, et la lune produit un effet analogue. L’ensemble de ces perturbations se traduit par cette oscillation lente et complexe de l’axe terrestre qui constitue les phénomènes astronomiques de la précession et de la nutation, et en vertu de laquelle le pôle céleste se déplace progressivement parmi les étoiles.

C’est de la considération de ces phénomènes que M. Hopkins a tiré une grave objection contre la fluidité intérieure de la terre[1]. En déterminant l’effet dû à l’action du soleil et de la lune sur le renflement équatorial, dit M. Hopkins, on regarde la terre comme un corps solide dont toutes les parties sont invariablement liées les unes aux autres, et qui doit participer tout entier à l’effet de ces actions perturbatrices. Mais si la terre est une masse liquide recouverte d’une croûte solide, ces actions ne se transmettront qu’à la partie solide, qui glissera en quelque sorte sur le noyau liquide. Les forces perturbatrices agissant dès lors sur une masse totale beaucoup moindre que si elles entraînaient le globe entier, les changemens qui en résultent dans le mouvement de rotation de la croûte solide doivent être beaucoup plus grands que ceux qu’on a obtenus en regardant la terre comme une seule masse solide, et ils seront d’autant plus grands que la croûte sera supposée plus mince. Pour mettre d’accord l’effet possible de l’action luni-solaire sur le bourrelet équatorial avec la grandeur connue de la précession et de la nutation, M. Hopkins estime qu’il faut attribuer à l’écorce solide du globe une épaisseur d’au moins 1,300 ou 1,600 kilomètres, qui représente ½ ou 1/4 du rayon terrestre.

Les calculs de M. Hopkins ont été repris vingt ans plus tard par sir William Thomson, dans son mémoire sur la Rigidité de la Terre[2], où l’illustre physicien apporte aux vues de M. Hopkins tout le poids de son autorité. « Quelque objection que l’on fasse à la partie mathématique du travail de M. Hopkins, dit-il, je n’ai pu arriver à trouver aucune force dans les argumens par lesquels sa

  1. Transactions philos. de la Société royale de Londres, 1839-1842.
  2. Trans. philos., 1863.