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solidification commence à la surface, il se formera d’abord une mince pellicule, et cette pellicule étant, par hypothèse, plus lourde que le liquide qui la porte (puisque ce dernier se contracte en se solidifiant), il est certain qu’elle se brisera et que les morceaux iront au fond, où ils finiront par constituer un noyau solide. Ainsi, de toute manière, la masse devra se solidifier à partir du centre. La surface commence à se recouvrir définitivement d’une carapace solide quand toute la masse est arrivée à une température voisine du point de solidification, et sous cette croûte il pourra exister encore çà et là des amas de liquide.

Ce raisonnement est toutefois contestable à bien des égards. En premier lieu, les expériences de M. Mallet sur les scories des hauts fourneaux montrent que certains silicates se contractent beaucoup moins (de 6 pour 100 seulement). Ensuite le célèbre ingénieur Werner Siemens oppose à sir W. Thomson les observations qu’il a pu faire à Dresde dans la verrerie de son frère Fr. Siemens. Quand la masse vitreuse, parfaitement fondue, commence à se refroidir, elle se contracte d’abord rapidement, puis de moins en moins à mesure qu’elle prend une consistance pâteuse; au moment de la solidification, il semble même qu’il y ait une faible dilatation. M. Siemens en conclut que la contraction qui accompagne la solidification des silicates fondus arrive pendant le passage de l’état liquide à l’état pâteux, de sorte que le raisonnement de sir W. Thomson prouverait tout au plus que les parties centrales du globe ont déjà pris une consistance pâteuse[1].

En admettant que la croûte solide n’a qu’une faible épaisseur et qu’elle enveloppe une nappe liquide reposant sur un noyau pâteux, on facilite l’explication d’une foule de phénomènes, et notamment l’ascension des laves dans les cheminées volcaniques, qui serait due en partie à la pression hydrostatique développée par le poids des masses rocheuses. Cette pression pourrait même avoir contribué au soulèvement des montagnes, en faisant émerger les masses solides les plus légères au-dessus du niveau d’une mer de lave plus lourde. Enfin les oscillations lentes du sol, qui se traduisent par l’exhaussement ou la dépression de certaines côtes, semblent trahir encore une certaine mobilité de vastes portions de l’écorce solide qui éprouveraient des mouvemens de bascule par suite d’un déplacement séculaire de leur centre de gravité, et ce déplacement pourrait résulter des modifications de la surface extérieure sous l’action des eaux et de la surface intérieure sous l’effort des laves. Les tremblemens de terre, — dont la cause doit être cherchée aussi bien dans les éboulemens que peut occasionner le

  1. Physikalisch-mechanische Betrachtungen (Monatsbericht der Akad. der Wiss. zu Berlin, 1878).