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balançait l’attraction des grosses boules. En soumettant au calcul les résultats de ces expériences, on a pu estimer la force d’attraction des boules par rapport à la pesanteur; de là il est facile de déduire le rapport dans lequel la masse des boules est à celle de la terre, et par suite la densité de la terre comparée à celle du plomb. En définitive, Cavendish trouva 5,48 pour la densité de la terre, celle de l’eau étant prise comme unité[1].

Les expériences de Cavendish ont été répétées par F. Reich, à Freiberg, à deux reprises, en 1837 et en 1849, puis à Londres, en 1842, par Francis Baily, sous les auspices de la Société astronomique. Reich trouva des nombres peu différens de celui de Maskelyne (5,44 et 5,58); le résultat de Baily fut un peu plus fort (5,67). Baily avait perfectionné l’appareil de Cavendish sous plusieurs rapports, il avait varié le diamètre et la nature des petites balles en faisant usage de balles de platine, de plomb, de laiton, de zinc, de verre et d’ivoire. Le nombre auquel il s’était arrêté était la moyenne de plus de deux mille expériences; néanmoins il ne mérite pas une grande confiance, car les résultats sont affectés d’erreurs systématiques dont la cause est restée longtemps inexpliquée.

Il valait la peine de reprendre la question avec toutes les ressources de la science moderne. C’est ce qu’ont fait récemment deux physiciens français, MM. A. Cornu et J. Baille. Leurs expériences, commencées en 1870, ont déjà fait l’objet de plusieurs communications intéressantes à l’Académie des sciences. Les appareils sont installés dans une des caves de l’Ecole polytechnique; ils sont beaucoup plus petits que ceux de Cavendish et de Baily, car, d’après une heureuse remarque de MM. Cornu et Baille, on a tout avantage, au point de vue de la déviation qu’on veut obtenir, à réduire les dimensions des appareils. On a donc pu réduire à 12 kilogrammes la masse attirante, qui est formée par du mercure contenu dans deux sphères creuses de fonte de 0m, 12 de diamètre; par aspiration, on fait passer le mercure de l’une des sphères dans l’autre, de manière à doubler l’effet de l’attraction, et ce déplacement s’obtient sans choc ni trépidations[2]. Le levier de la balance

  1. L’écart assez considérable qui existe entre ce nombre et celui fourni par les observations de Maskelyne engagea Hutton, alors fort avancé en âge, à refaire en entier le calcul des expériences de Cavendish. « Je ne pouvais, dit-il, avoir confiance dans ces résultats sans répéter tout le calcul. Cependant, après une longue vie dépensée en recherches abstraites de tous les jours depuis l’âge de dix ans, ayant maintenant quatre-vingt-quatre ans et me trouvant accablé d’infirmités, je pensais qu’on m’excuserait de reculer devant ce travail. Mais je n’eus pas de repos que je ne me fusse moi-même attelé à la besogne. » Hutton découvrit une foule de petites erreurs de calcul, et il trouva 5,31 pour la densité cherchée.
  2. Dans les dernières expériences, le nombre des sphères a été doublé.