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le colonel Chodsko a constaté des déviations de 54 secondes, que Schweitzer a trouvé dans les environs de Moscou, en rase campagne, des déviations de 8 et de 9 secondes, la chaîne de l’Himalaya n’a paru exercer sur le fil à plomb qu’une action insignifiante au lieu de la forte déviation que faisait prévoir la théorie, — comme si ces montagnes étaient constituées par des roches plus légères que le sol de la plaine.

Les opérations dont il vient d’être question servent à déterminer la figure de la terre par les angles que font avec l’axe du monde les verticales d’une série de stations, c’est-à-dire les directions de la pesanteur. Un autre moyen consiste à mesurer, sur un grand nombre de points, l’intensité de la pesanteur, et par là la distance au centre de la terre, en comptant les oscillations d’un pendule : ces oscillations s’accélèrent quand l’attraction se manifeste avec plus d’énergie, quand, par conséquent, l’observateur se trouve plus près du centre. Nous avons déjà vu que Richer avait remarqué ces variations du pendule lors de son voyage à Cayenne, et que Newton en avait fourni l’explication. Au commencement de ce siècle, Biot, Sabine, Kater, Lütke, Foster et d’autres, ont fait de nombreuses déterminations de ce genre, qui ont fourni une précieuse vérification des résultats de la géodésie proprement dite. Mais il ne faut pas oublier que l’intensité de la pesanteur peut être troublée par les mêmes causes qui en altèrent la direction. Une accumulation locale de roches très denses peut augmenter l’attraction terrestre, des vides peuvent la diminuer. La dénivellation de l’Océan dont nous avons déjà parlé, qui relève le niveau des eaux dans le voisinage des grands continens et l’abaisse au large, a évidemment pour effet de rapprocher les îles du centre de la terre, puisqu’elles se trouvent ainsi situées dans une sorte de vallée océanique. Cette remarque fait comprendre pourquoi les oscillations du pendule paraissent éprouver dans beaucoup d’îles une accélération autrement inexplicable[1].

Les perturbations auxquelles sont ainsi soumises la direction aussi bien que l’intensité de pesanteur, ont du moins permis de déterminer la densité moyenne de la terre. Le principe de la méthode se comprend facilement. Supposons qu’on ait mesuré la déviation du fil à plomb dans le voisinage d’une montagne isolée dont il soit possible d’évaluer avec quelque précision le volume et le poids : la grandeur de la déviation permettra de calculer le rapport dans lequel la masse de la montagne est à la masse de la terre, et, les volumes des deux masses étant connus, on pourra

  1. A. Fischer, die Gestalt der Erde und die Pendelmessungen, 1876. Voir aussi Saigey, Petite Physique du globe, Paris 1842, t. II, p. 138.