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Birmingham, Leeds, Paisley, Manchester, Sheffield, toutes les grandes villes manufacturières souffraient également. Le contre-coup de cette stagnation de l’industrie atteignait cruellement les districts où la population vivait de l’extraction de la houille. Le pays de Galles ne tarda pas à être en proie aux désordres les plus graves ; la police y était tenue en échec par des bandes armées, conduites par des hommes qui mettaient des jupes de femmes par-dessus leurs habits et qui s’intitulaient eux-mêmes dans des placards menaçans : les filles de Rebecca. L’Irlande continuait à s’agiter; la maladie des pommes de terre venait d’y faire sa première apparition, et devait bientôt y amener toutes les horreurs de la famine. Enfin, les finances étaient dans le plus triste état. Ce fut le premier mal auquel sir Robert Peel s’efforça de porter remède. Il y parvint par un moyen héroïque : l’établissement de l’impôt sur le revenu, que lui seul était capable de faire accepter par le parlement. Il commença ensuite cette série de dégrèvemens qui devaient transformer le régime économique de l’Angleterre. Il supprima entièrement les droits sur sept cent cinquante des articles qui figuraient au tarif général des douanes, en commençant par un certain nombre de denrées alimentaires, telles que le lard et les salaisons ; et il réduisit sensiblement les droits sur le bétail, sur les viandes fraîches, sur le sucre, le café et le cacao. Quant aux céréales, il semblait avoir les mains liées par les engagemens explicites que tous ses collègues et lui-même avaient pris vis-à-vis des électeurs. Sir James Graham avait tracé des bienfaits de l’agriculture et des douceurs de la vie des champs un tableau qui était devenu pour les orateurs de la ligue contre les Corn Laws un thème inépuisable de railleries. M. Gladstone, en se représentant devant les électeurs de Newark, leur avait déclaré qu’ils pouvaient compter avec certitude sur deux choses : la première qu’une protection suffisante serait assurée à l’agriculture; la seconde que cette protection résulterait des effets d’une échelle mobile. Ce fut, en effet et, à cette solution que sir Robert Peel s’arrêta, en établissant des droits variables, dont l’importance devait décroître à mesure que le prix du blé s’élèverait sur le marché. Néanmoins, on calcula que, par le jeu de cette échelle, le droit d’importation pourrait descendre jusqu’à n’être plus que la moitié de celui qui existait antérieurement; et un assez vif mécontentement se manifesta dans les rangs du parti tory. Deux grands propriétaires terriens, les ducs de Buckingham et de Richmond, accusèrent sir Robert Peel de manquer à ses engagemens et de devenir infidèle à la cause de l’agriculture.

Pendant cette première période de l’administration de sir Robert Peel, M. Disraeli appuya le ministère de ses votes et de sa parole soit au sein du parlement, soit devant ses électeurs. Le 10 mai