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son discours du 12 juillet fut l’objet des plus vives attaques de la part des journaux ministériels, mais lui-même eut à se défendre personnellement contre le chancelier de l’échiquier et contre un sous-secrétaire d’état, M. Fox Maule, qui l’accusèrent de se montrer par ses votes l’avocat du désordre et de l’émeute. M. Disraeli releva ces personnalités avec une extrême vivacité; mais le seul fait que des ministres se permettaient de semblables imputations suffit à faire voir quel était alors l’état des esprits. Si l’attitude de M. Disraeli irritait les partisans du gouvernement, elle ne devait pas trouver beaucoup d’approbateurs parmi les tories, dont la plupart partageaient les alarmes du cabinet.

Ces inquiétudes étaient justifiées par l’attitude de plus en plus menaçante des chartistes. Les émeutes se multiplièrent et le gouvernement dut recourir à des mesures de rigueur : il fit disperser par la force les rassemblemens ; il fit arrêter un certain nombre des principaux meneurs et les traduisit en justice; trois chartistes, Jones, Frost et Williams furent condamnés à mort pour trahison et n’échappèrent à la peine capitale que grâce à un vice de forme dans le jugement. Néanmoins, au début de la session de 1840, M. Disraeli n’hésita pas à réitérer l’expression de ses sentimens. Le 28 janvier, une motion de refus de confiance fut proposée à la chambre des communes : en la combattant, un des ministres, sir George Grey, par une évidente allusion à M. Disraeli, signala l’alliance qu’il prétendait exister entre les chartistes et certains tories. M. Disraeli ayant exprimé, dans sa réponse, le regret que des deux côtés de la chambre on n’eût pas témoigné plus de sympathie aux chartistes, les députés ministériels accueillirent ces paroles comme un aveu de l’alliance stigmatisée par sir George Grey. L’orateur s’empressa d’ajouter qu’il ne craignait pas d’avouer ses sympathies pour plusieurs millions de ses concitoyens et sa conviction qu’en présence des souffrances d’une partie considérable de la nation, le parlement avait le devoir d’étudier les causes de cette situation. Quelque temps après, M. Disraeli appuyait, dans un discours chaleureux, la protestation de M. Duncombe contre les traitemens infligés à Collins et à Lovat, qui, condamnés à quelques mois d’emprisonnement pour un écrit séditieux, avaient été assujettis au même régime que les plus vils criminels, confondus avec eux et obligés même à partager leur lit avec des assassins et des faux monnayeurs. M. Disraeli demanda avec indignation si les lois du pays étaient changées, et où les ministres puisaient le droit d’aggraver les peines édictées par la justice.

A partir de 1840, M. Disraeli prit part à tous les débats importans. Il forçait l’attention de ses adversaires comme de ses amis par la façon dont il rajeunissait toutes les questions, en introduisant