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LORD BEACONSFIELD
ET SON TEMPS

II.[1]
LA JEUNE ANGLETERRE.


I.

« Nous nous rencontrerons à Philippes. » Ainsi se terminait la lettre de défi que M. Disraeli avait adressée, le 5 mai 1835, à O’Connell. Le 7 décembre 1837, trois semaines après l’ouverture du premier parlement de la reine Victoria, une motion de M. Smith O’Brien provoquait, sur les affaires d’Irlande, une discussion dans laquelle O’Connell intervint. A peine le grand agitateur avait-il terminé son discours que M. Disraeli, à son tour, prenait la parole. Aussitôt des murmures et des vociférations éclatèrent sur les bancs où siégeait la députation irlandaise : les amis d’O’Connell, tantôt par des cris, tantôt par des rires affectés et bruyans, s’efforçaient de couvrir la voix de l’orateur. La tradition veut qu’ils aient réussi, que M. Disraeli, troublé et impuissant à dominer le tumulte, ait dû renoncer à la parole. Cette tradition exagère les faits. M. Disraeli avait parlé trop fréquemment sur les hustings, au milieu des cris, des grognemens et des sifflets d’auditoires tumultueux, pour se laisser aussi facilement déconcerter. On peut lire son discours dans les journaux du temps et dans l’impartial Hansard, qui a fidèlement enregistré et les bruyantes interruptions dont il fut fréquemment l’objet et les marques d’approbation qui lui furent données à plusieurs reprises par les tories. On remarqua même que sir Robert

  1. Voyez la Revue du 1er octobre.