Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/756

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans la soirée du lundi, on avait fait venir quelques chanteurs pour exécuter un concert dans les appartemens de l’impératrice ; mais le pape refusa d’y assister, et se retira au moment où on allait commencer.

À cette époque, le goût de l’empereur pour Mme de X... commença à se faire sentir au dedans de lui. Soit que la satisfaction qu’il éprouvait du succès des projets qu’il avait formés lui donnât une joie qui éclaircissait son humeur, soit que son amour naissant lui inspirât quelque désir de plaire, il parut, durant le petit voyage de Fontainebleau, serein et d’un abord plus facile que de coutume. Quand le pape était retiré, il demeurait chez l’impératrice, et causait de préférence avec les femmes qui s’y trouvaient. Sa femme, frappée de son changement et très avisée sur tout ce qui pouvait éveiller sa jalousie, soupçonna que quelque nouvelle fantaisie en était la cause; mais elle ne put encore découvrir le véritable objet de sa préoccupation parce qu’il mit assez d’adresse à s’occuper de nous toutes tour à tour; et, Mme de X..., montrant une extrême réserve, ne parut pas voir dans ce moment si elle était le but caché de cette galanterie générale que l’empereur affecta assez bien de partager entre nous. Quelques personnes eurent même l’idée que la maréchale Ney allait recevoir ses hommages. Elle est fille de M. Auguié, ancien receveur général des finances et de Mme Auguié, femme de chambre de la dernière reine. Elle avait été élevée par Mme Campan, sa tante, et se trouvait par cela même compagne et amie de Mme Louis Bonaparte. Elle avait alors vingt-deux ou vingt-trois ans; son visage et sa personne étaient assez agréables, quoiqu’un peu trop maigres. Elle avait peu d’usage du monde et une extrême timidité, et ne pensait nullement à attirer les regards de l’empereur, dont elle avait une extrême peur.

Pendant notre séjour à Fontainebleau, parut dans le Moniteur le sénatus-consulte qui, vu la vérification faite par une commission du sénat des registres des votes émis sur la question de l’empire, reconnaissait Bonaparte et sa famille comme appelés au trône de France.

Le total général des votans se montait à 3,574,898. Pour le oui, 3,572,329; pour le non, 2,569.

La cour retourna à Paris le jeudi 29 novembre. L’empereur et le pape revinrent dans la même voiture, et Sa Sainteté fut logée au pavillon de Flore, l’empereur ayant nommé une partie de sa maison pour la servir.

Dans les premiers jours de sa présence à Paris, le pape ne trouva pas dans les habitans le respect auquel on devait s’attendre. Une