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si fidèle interprète de la réalité, et l’on comprendra la richesse de cet art qui, avec un égal souci de la vérité et une technique presque semblable, admet cependant des différences aussi profondes. Bien qu’ils aient devancé Rembrandt, de tels hommes conservent, même en face de lui, leur originalité et leur prix.

Ils n’étaient pas seuls d’ailleurs, et déjà le paysage hollandais comptait aussi ses maîtres. Sur ce sol défendu avec une si indomptable persévérance contre tous ses ennemis, il avait à son tour conquis son indépendance. Dès les premières années du XVIIe siècle, l’émancipation était complète. Nous avons plus d’une fois déjà rencontré ceux qui l’avaient assurée: le vieux J.-G. Cuyp, qui était en même temps un portraitiste éminent; J. Wynants, Van Goyen et Salomon Ruysdael. À ces noms, il convient d’ajouter celui d’un artiste peu connu, R. Roghman, qui fut non-seulement le contemporain, mais l’ami de Rembrandt. Il avait voyagé, parcouru le Tyrol, peignant moins qu’il ne dessinait, car ses tableaux sont rares. On peut le regretter en face des grands paysages du musée de Cassel, deux pendans, signés des initiales du peintre, et de dimensions peu usitées dans l’école hollandaise. L’un d’eux est un souvenir de ses voyages emprunté peut-être à l’Italie du nord, dans le voisinage des Alpes; mais au milieu de ces montagnes et de ces accidens multipliés, parmi ces eaux qui jaillissent de tous côtés, l’artiste se sent comme dépaysé. On le retrouve chez lui, reproduisant avec une impression plus saisissante, parce qu’elle est plus immédiate, un des aspects familiers de la Hollande : une campagne plate, des masses d’arbres épaisses, des terrains crayeux au travers desquels serpente un cours d’eau qui vient s’élargir au premier plan, La peinture est simple et grave, transparente malgré l’intensité de ses tonalités roussâtres et d’une ampleur d’effet et de facture qui explique l’ancienne attribution qu’on en faisait à Rembrandt. Sans qu’il soit possible d’assigner une date précise à ces œuvres remarquables, leur exécution facile et sûre atteste la maturité d’un talent très personnel et qui méritait d’être signalé.

L’école hollandaise, on le voit, était pleinement constituée et les maîtres ne lui manquaient pas quand, le 15 juillet 1607, celui qui allait les surpasser tous naquit à Leyde, au bord du Rhin, dont il devait prendre le nom (Van Ryn). Rembrandt était le sixième enfant d’une famille aisée appartenant à la bonne bourgeoisie. Le jeune garçon montrant peu de goût pour l’étude des lettres et ayant manifesté de bonne heure sa vocation, ses parens le retirèrent de l’école latine où ils l’avaient mis pour le confier vers l’âge de treize ans à un peintre peu connu. Van Swanenburch, dont les œuvres assez médiocres n’ont guère été épargnées par le temps. Quoique moins