ces hommes d’état devenus des pâtres, qui tressent des corbeilles de jonc dans des antres solitaires et chantent sur un chalumeau rustique pour se consoler des infidélités d’une comédienne qui a suivi un officier, cette façon de transporter à la campagne les événemens de la ville et de placer des allusions politiques au milieu de discussions pastorales, rappellent à M. Helbig les fantaisies étranges de certains paysages pompéiens, où l’on voit la ville et les champs bizarrement mêlés ensemble, des portiques élégans dans la solitude où Polyphème mène paître son troupeau, et un temple ionien couronné de guirlandes sur les hauteurs du Caucase, près du vautour qui dévore Prométhée[1]. Chez Properce, l’influence des alexandrins est plus visible encore ; aussi ses élégies présentent-elles plus de rapports que les églogues de Virgile avec les peintures pompéiennes. La mythologie y déborde : qu’il soit triste ou joyeux, tous ses sentimens s’expriment par des allusions à de vieilles légendes ; il n’a pas d’éloge plus délicat pour célébrer sa maîtresse que de la comparer aux héroïnes de l’ancien temps. S’il l’a surprise un jour la tête appuyée sur son bras et endormie, elle lui rappelle aussitôt Ariane étendue sur le rivage de Naxos, Andromède après sa miraculeuse délivrance, ou la bacchante épuisée qui tombe saisie d’un sommeil invincible dans les plaines de la Thessalie : ce sont des personnages que connaissent bien ceux qui ont visité les villes campaniennes, on les y retrouve partout. Quand Cynthie, après une longue résistance qui a désolé le poète, cède enfin à son amour, c’est par une explosion de mythologie qu’il célèbre sa victoire. « Non, le fils d’Atrée ne fut pas plus joyeux quand il vit tomber à ses pieds la forteresse de Troie. Ulysse, après tous ses voyages, n’aborda pas avec autant de plaisir aux rivages de son île chérie ; Électre, lorsqu’elle aperçut son frère, dont elle avait cru tenir les cendres dans ses mains, la fille de Minos en revoyant Thésée qu’elle venait de sauver du labyrinthe, n’ont pas éprouvé tant de bonheur que j’en ai connu la nuit dernière. Qu’elle m’accorde une autre fois ses faveurs, et je me tiens pour immortel ! » Les petits Amours, que nous avons trouvés si souvent dans les
- ↑ La merveille du genre, comme l’appelle très justement M. Helbig, c’est un tableau qui représente l’aventure d’Actéon ; il se compose en réalité de plusieurs paysages juxtaposés, sur des plans divers, et avec des caractères très différens. Au premier plan, à l’extrémité droite, une nature sauvage, des rochers à pic, d’où se précipite un torrent ; vers le milieu, le torrent devient un ruisseau paisible, avec de petits ponts, des rives basses et des chèvres qui viennent y boire. Au second plan, un sacellum d’Artémis, très richement décoré ; plus loin, une maison romaine, avec une tour, un cryptoportique, et une statue sur un piédestal élevé. Le peintre semble avoir voulu réunir dans un seul tableau les divers genres de paysages qu’on exécutait à Pompéi, sans se préoccuper de l’effet produit par cet ensemble bigarré. Ces dissonances ne sont pas très rares dans les peintures pompéiennes.