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ils font tout avec une aisance, une grâce, une rapidité d’exécution, une sûreté de main que nous ne pouvons nous empêcher d’admirer. Notre admiration redouble quand nous nous souvenons qu’ils travaillaient pour les bourgeois d’une petite ville, quand nous songeons surtout que, dans tout le monde romain, on devait avoir les mêmes goûts qu’à Pompéi et qu’il devait se trouver partout des artistes capables des mêmes ouvrages. C’est ce qui étonne et confond notre esprit. Les historiens nous disent qu’il n’y avait plus alors de peintres de génie, mais les peintures de Pompéi nous montrent que jamais les peintres de talent n’ont été plus nombreux. Nous nous vantons aujourd’hui de mettre l’aisance à la portée du plus grand nombre et de populariser le bien-être ; c’est un grand bienfait. Au Ier siècle, on avait fait quelque chose de semblable pour les arts. Grâce à ces procédés commodes qui permettaient d’en répandre les chefs-d’œuvre, ils avaient cessé d’être le privilège de quelques-uns pour devenir le plaisir de tout le monde.


III.

M. Helbig, en étudiant de près les peintures pompéiennes, n’a pu s’empêcher de remarquer combien elles ressemblent à certaines poésies de la grande époque des lettres latines, surtout à celles des élégiaques ou des didactiques qui chantent la mythologie et l’amour. Ces ressemblances sont en effet très frappantes. Chez les poètes, comme chez les peintres, les mêmes sujets se reproduisent sans cesse, et ils sont traités d’une façon presque semblable. Les uns et les autres aiment à exprimer les mêmes sentimens ; ils recherchent les mêmes qualités et n’évitent pas les mêmes défauts. Faut-il en conclure que les peintres se sont inspirés des poètes et qu’ils ont pris dans leurs ouvrages le sujet de leurs tableaux ? Nous avons vu qu’il n’en est rien, et M. Helbig a victorieusement démontré qu’ils sont demeurés presque entièrement étrangers à la littérature de Rome. Doit-on croire au contraire que ce sont les poètes qui ont imité les peintres ? Cette supposition ne serait pas beaucoup plus vraisemblable, et dans tous les cas elle est inutile. Nous avons un moyen plus simple de tout expliquer : s’ils se ressemblent, c’est qu’ils puisaient à la même source ; peintres et poètes travaillaient sur les mêmes modèles, ils étaient les élèves des maîtres d’Alexandrie, et voilà comment ils pouvaient arriver à se rencontrer, même sans se connaître.

On sait que les Romains ne possèdent pas une littérature vraiment originale et qu’ils ont toujours vécu d’emprunt. Ils imitèrent d’abord la poésie classique des Grecs, c’est-à-dire celle qui a fleuri depuis Homère jusqu’à l’époque d’Alexandre. C’était, il faut l’avouer,