Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/529

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui voulait en avoir sans cesse le spectacle sous les yeux, ou simplement s’il était curieux des scènes de tous les jours, l’artiste les copiait exactement pour lui plaire. Il allait voir les gladiateurs exécuter leurs exercices dans la grande caserne qu’on a découverte près du théâtre, et les reproduisait comme il les avait vus. Il transportait sans plus de façon dans les fresques les personnages qui fréquentaient le forum ou les rues de la petite ville. Soyons sûrs que ces foulons, ces aubergistes, ces boulangers, ces marchands de poissons, qui ornent les murailles des maisons pompéiennes, habitaient les boutiques où l’on retrouve encore leurs ustensiles. Ces femmes demi-nues, dont les cheveux se relèvent sur le front d’une façon si étrange, sont celles mêmes qui vendaient leurs faveurs à très bas prix dans ces cellules étroites qu’on ne laisse pas visiter à tout le monde, et qui contiennent des dessins si grossiers et des inscriptions si brutales. Le peintre avait observé lui-même ces paysans et ces ouvriers avec leur tunique à capuchon, comme nos moines, assis à une table en face d’un verre de vin, qu’il a rendus d’une manière si vivante ; il avait vu de ses yeux ce soldat au teint basané, chaussé de larges bottes, couvert d’un ample vêtement, qui dit gaîment au cabaretier en lui tendant son verre : Allons, un peu d’eau fraîche : Da fridam pusillum. Ce qui prouve que ce sont bien les gens du pays que l’artiste reproduisait dans ses personnages, c’est qu’ils frappent encore aujourd’hui par leur ressemblance, et qu’on les reconnaît au premier coup d’œil pour les avoir rencontrés sur les places ou dans les boutiques de Naples. Ainsi l’origine de cette classe particulière de tableaux que M. Helbig appelle des peintures réalistes est aisée à trouver : le peintre qui les a faits imitait fidèlement les scènes qu’il avait devant les yeux.

Pour les autres, la question présente plus de difficultés. Elle est pourtant beaucoup plus importante à résoudre, car ils sont plus nombreux que ceux dont je viens de parler ; sans compter qu’on peut encore y joindre tous les tableaux qui se rattachent à la mythologie, et dont j’ai dit qu’ils formaient les trois quarts de ceux qu’on a trouvés à Pompéi. Voilà donc un nombre considérable de peintures qui ont à peu près le même caractère, qui semblent faites d’après les mêmes procédés, et dont il s’agit de savoir de quelle source elles peuvent venir.

Je ne crois pas d’abord qu’il y ait lieu de se demander si elles sont l’œuvre d’artistes originaux, qui les ont imaginées tout exprès pour en orner les maisons des villes campaniennes : ce serait une supposition fort peu vraisemblable. Il a bien fallu admettre que les tableaux de genre qui représentent des scènes locales et des personnages du pays ont été créés dans le pays même et pris directement sur la réalité ; mais ces tableaux sont peu nombreux, et en général de peu d’importance.