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plus relevée. On y trouve un certain souci de la composition ; les personnages sont opposés l’un à l’autre pour se faire valoir par le contraste. Le peintre cherche avant tout la vérité ; mais il ne se refuse pas le droit de l’orner et de l’embellir ; il choisit, parmi les aspects divers qu’elle nous offre, ceux qui lui semblent le plus agréables. Ce sont d’ordinaire des femmes qu’il représente, des femmes qui jouent, qui se parent, qui dessinent, qui chantent ou qui écoutent des propos d’amour ; il leur donne des attitudes naturelles, mais en même temps gracieuses, et l’on voit qu’il est préoccupé partout de la beauté : c’est de la peinture idéaliste. Dans les autres tableaux, la réalité domine. L’artiste ne se met plus en peine de choisir certains incidens et d’en omettre d’autres, c’est-à-dire de composer. Il prend le sujet tel qu’il est et les personnages comme il les voit ; il se plaît à nous montrer des boutiques de boulangers, des ateliers de foulons, des gladiateurs, des athlètes dans leur costume authentique, des scènes d’amour vulgaire, où les femmes sont parées de ces toupets qui étaient à la mode du temps des Flaviens: c’est le triomphe du réalisme. Cette différence, qui frappe dès qu’on y prend garde, n’est pas un accident ; elle se retrouve partout, aussi bien dans les tableaux dont le sujet est le plus grossier que dans les autres. M. Helbig fait très justement remarquer que, parmi les peintures que la pudeur du dernier régime avait reléguées dans le musée secret, il est aisé de distinguer des obscénités idéalistes et des obscénités réalistes.

Faut-il en conclure que nous sommes en présence de deux écoles différentes, et que nous avons à Pompéi le spectacle, que nous donnent souvent nos expositions de peinture, d’artistes qui luttent entre eux pour s’attirer la faveur du public par des procédés contraires ? M. Helbig ne le pense pas, et il est sûr que, quand on compare les tableaux qui appartiennent aux deux genres opposés, il est difficile de le croire. À côté des diversités qu’on vient de signaler, ils présentent tous des ressemblances frappantes, et l’on peut dire en somme qu’ils se ressemblent beaucoup plus qu’ils ne diffèrent. On est même tenté de faire quelquefois à ces peintres le reproche d’être trop monotones et de ne pas assez éveiller la curiosité par l’imprévu des sujets et la nouveauté de l’exécution, il y a chez eux des degrés divers de talent, il ne paraît pas y avoir de différence de méthode ou de doctrine. C’est ce qui porte M. Helbig à croire que les deux classes de tableaux qu’il vient de distinguer ont pour auteurs les mêmes artistes, mais qu’ils travaillaient autrement parce qu’ils étaient placés dans des situations différentes.

Ils devenaient franchement réalistes lorsqu’ils étaient mis en face de la réalité. Si le maître de la maison qu’ils devaient décorer était un de ces amateurs enragés de l’amphithéâtre ou du cirque.