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numérique des partis au sein du parlement ; ceux mêmes des whigs qui étaient guidés par un sentiment d’équité croyaient avoir tout fait pour les classes industrielles en appelant les grandes villes manufacturières à envoyer des représentans à la chambre des communes, comme si la concession du droit du suffrage pouvait être le dernier mot de la justice distributive au sein d’une société chrétienne. Bien peu de gens portaient plus loin leur pensée et se disaient qu’en dehors du cercle des nouveaux électeurs, il y avait des multitudes qui luttaient péniblement pour l’existence, et qui, pour ne point prétendre aux droits politiques, n’en avaient que plus de titres à la sollicitude du législateur. Rendons cette justice à M. Disraeli qu’à son début dans la carrière politique, son premier mot a été un appel en faveur des déshérités de la fortune. Toute la vie, il est demeuré fidèle à cette grande cause : dans le parlement, jamais sa parole et son vote n’ont manqué à une mesure favorable aux classes laborieuses; hors du parlement, son initiative, son influence et sa bourse ont toujours été au service de toutes les œuvres qui pouvaient améliorer la condition matérielle et morale du pauvre. Aussi ce dut être pour lui une noble et légitime satisfaction, lorsqu’au lendemain de son élévation à la pairie, une députation d’ouvriers vint lui apporter une couronne comtale, produit d’une souscription ouverte entre les ouvriers d’Angleterre, et qui lui était offerte en reconnaissance de ses persévérans efforts en faveur de tous ceux qui travaillent et de tous ceux qui souffrent.

Au nombre des mesures, dont M. Disraeli se déclarait partisan dans ses premiers manifestes électoraux, se trouve encore l’abolition des taxes sur l’instruction, c’est-à-dire du timbre sur les publications périodiques et du droit d’excisé sur le papier. Il se prononçait en faveur de l’abolition immédiate de l’esclavage dans les colonies, moyennant une indemnité aux propriétaires d’esclaves. Il demandait que l’église d’Irlande fût ramenée à des proportions en rapport avec le nombre des habitans dont elle desservait les besoins spirituels, et qu’en Angleterre, tout en améliorant le sort du clergé inférieur, on remaniât les taxes ecclésiastiques de façon à en rendre la perception moins onéreuse. Il demandait encore l’allégement et surtout la simplification des taxes compliquées dites assessed taxes, dont le fardeau pesait presque exclusivement sur le petit commerce et la petite industrie. Enfin il mettait au premier rang des réformes à obtenir le rétablissement de la triennalité du parlement et le vote au scrutin secret. C’étaient là deux des points principaux du programme politique des radicaux, et il est incontestable qu’ici M. Disraeli se plaçait sur le même terrain que la fraction la plus avancée du parlement. Lui-même reconnaissait qu’il donnait ainsi prise à l’accusation de radicalisme : il