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ouvrent l’espace et le ciel pour qu’elles aillent ensuite s’abattre dans la tête de leurs disciples :

Comme de gais oiseaux qu’un coup de vent rassemble,
Et qui pour vingt amours n’ont qu’un arbuste en fleurs.


En fait d’information musicale, M. Vaucorbeil n’a peut-être pas son égal; comme répertoire vivant et bibliothèque ambulante, il vaut M. Gounod; avec cela, toujours prêt à se donner, à se répandre : actif, expert, plein de ressources, il a le chant et la parole. Comment résister au double attrait?

Ses ennemis lui reprochent d’être un charmeur; ce qu’il y a de certain, c’est qu’il sait vaincre, il ne lui reste plus maintenant qu’à nous prouver qu’il sait profiter de la victoire et nous en faire profiter. Ayons patience, tout ce fonds d’artiste et de musicien expérimental trouvera son emploi tôt ou tard et dans les concerts historiques qu’on nous annonce pour cet hiver et dans l’économie du répertoire. Les chefs-d’œuvre servant au roulement semainier sont éreintés et fourbus; à ce métier qu’on leur inflige depuis vingt ans, les coursiers de l’Olympe finiraient eux-mêmes par devenir des rosses. Il faut absolument les dételer, les mettre au vert, puis les reprendre et les harnacher avec autant de soin que s’il s’agissait de les envoyer à leur premier combat. J’avoue que je compte ici beaucoup sur M. Vaucorbeil, et tenez, cette reprise de la Muette, qui remonte pourtant à l’ancienne administration, nous le montre déjà dans son élément. La scène de la révolte au troisième acte est admirablement réglée dans ses oppositions et ses nuances; le pianissimo de la prière intervenant entre les deux fortissimo du début et de la fin produit un effet surprenant et j’en veux louer M. Vaucorbeil tout à mon aise, certain qu’il va maintenant procéder avec le même zèle à la restauration de nos chefs-d’œuvre et les reprendre morceau par morceau, comme des mosaïques effritées qu’on reconstitue pierre à pierre. Les gens qui ne sont jamais contens reprochent à ces antithèses de bruit et de silence, de lumière et d’ombre, de n’être plus qu’un jeu rebattu, qu’un de ces contrastes dont on abuse dans les concerts du Conservatoire. « Vous donnez tout à l’effet musical, disent-ils, et j’oublie en vous écoutant que je suis au théâtre. » Critique d’ailleurs assez spécieuse et qui rigoureusement appliquée finirait par nous brouiller même avec Rembrandt. L’ensemble choral est excellent, je le répète et plût à Dieu que le total de la représentation ne suscitât point d’autre querelle. Malheureusement du côté des chanteurs se trahit la plus regrettable insuffisance, et là dessus mieux vaudrait se taire, le pire c’est que la musique d’Auber doive porter la peine d’une pareille exécution. Qu’est devenu l’air du sommeil? où retrouver ce cri sublime des