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Je ne consens, trop abrupt hérisson,
A proclamer cet ange-là ta fille
Qu’en me disant., triste réflexion!
L’état civil du brillant papillon
Remonte bien à la chenille.


Ou ceux-là :

Ils vont de la feuille odorante
Savourer l’arôme si doux ;
Pour moi, la saveur qui me tente
C’est de deviser avec vous[1].


Ce n’est pas qu’on ne pût signaler des locutions étranges : « Voyons ! voyons! dit un personnage de la Sensitive, ne l’agace pas. » Un autre dira, dans un goût différent : « Cette perspective est acerbe. » Qu’importe? passons aux auteurs dramatiques les licences que M. Dumas, naguère, dans l’une de ses préfaces, réclamait et réclamait à bon droit au nom des exigences de la scène. On peut admettre, sans nulle difficulté, que les lois du style ne soient pas les mêmes au théâtre que dans le discours, ou que dans la familiarité de la conversation quotidienne. On a dit ingénieusement « que les spectacles forment le lien entre les classes de la société qui pensent et celles qui ne pensent pas. » Ou il faut renoncer à provoquer la pensée chez ceux qui n’en ont pas l’habitude, ou il faut leur parler un langage qu’ils puissent comprendre. Le purisme ici serait déplacé. On ne brosse pas, sans doute, un décor de théâtre comme on ferait un tableau de chevalet. L’optique du théâtre a ses nécessités, la langue du théâtre a les siennes. Un certain grossissement du trait, une certaine exagération dans les termes, quelque emphase dans le drame, quelque liberté dans le comique, ne seront pas moins nécessaires que le masque tragique aux acteurs d’autrefois ou que le fard aux comédiens d’aujourd’hui. Il y aura pourtant une limite, et c’est par malheur cette limite que ni le vaudeville, ni M. Labiche ne se sont jamais piqués d’observer.

Que dis-je? cette limite, le propre du vaudeville est de la franchir, et plus il s’en éloigne, plus il est le vaudeville. « Il y a, dit M. Augier dans la préface qu’il a mise aux œuvres de M. Labiche, autant de degrés de maîtrise qu’il y a de régions dans l’art. La hiérarchie des écoles n’importe guère, l’important est de ne pas être un écolier. » Rien de plus vrai, voilà parler et parler d’or : il ne s’agit que de savoir si le domaine du vaudeville est une région de l’art, et c’est tout le procès.

Il est facile à terminer : écoutez parler les personnages de M. La biche : -

  1. Je crois que ces quatre vers veulent dire : « Causons, tandis qu’ils vont prendre le thé. »