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renaissance mériteraient d’être mieux connus[1]. M. Müntz fait en quelques pages un examen curieux de la condition des artistes à Rome vers le milieu du XVe siècle ; mais on ne distinguait pas nettement, à cette époque, entre les ouvriers et les artistes. Les architectes sont appelés indifféremment, dans les pièces que l’auteur a transcrites, muratori, c’est-à-dire maçons, maestri di ligname ou charpentiers, scarpellini, maestri di muro, etc. Eux-mêmes ne réclamaient pas des distinctions plus précises, et l’on sait que, dans la Florence du XVe siècle, les plus habiles d’entre eux conservaient leurs boutiques bien connues, et ne refusaient aucun travail, quelque modeste qu’il fût. — Est-il bien sûr qu’en de telles circonstances une juste diversité des traitemens correspondît toujours à la diversité des talens et des aptitudes ?

Le livre de M. Müntz n’est pas entièrement achevé. Il lui reste à faire connaître des pontificats singulièrement intéressans pour l’histoire de l’art, Sixte IV, Innocent VIII, Alexandre VI, règnes illustrés par des artistes tels que Pollaiuolo et Pinturicchio. Nous en avons assez dit pour faire apprécier ce qu’est déjà son œuvre, et ce qu’elle rendra de services à l’histoire des arts. Il n’est pas un des récens ouvrages italiens publiés sur ces matières qui n’ait eu quelque importante information à lui emprunter : c’est ce qu’on peut vérifier déjà dans les nouvelles et savantes éditions soit de Vasari par M. Gaetano Milanesi, soit du livre du P. Marchese sur les artistes dominicains ; il en sera de même pour l’ouvrage utile de M. Perkins sur les sculpteurs italiens. Un critique allemand a dit que les études de M. Müntz feraient époque ; il en sera ainsi, parce que rarement on a vu employer à un plus intéressant sujet, avec plus d’intelligence et de dévouement, des documens plus précis et plus authentiques.

Nous en avons dit également assez pour faire mesurer quels changemens s’étaient opérés à Rome dans les esprits, et comment à la tradition de l’ignorance, du mépris, des aveugles légendes concernant les édifices antiques avait succédé celle du respect, se traduisant par un soin jaloux de conservation et même d’étude érudite. Nous avons trouvé dans une première série des représentations de Rome au moyen âge qu’a publiées récemment M. de Rossi le reflet de la première de ces deux périodes ; mais il a terminé

  1. Il n’est pas facile de les connaître et de s’en faire une idée. Pour Isaïe de Pise, par exemple, deux de ses œuvres principales, le Tombeau d’Eugène IV et celui de la mère de ce pontife, qui se trouvent dans le cloître de San Salvatore in Lauro, à Rome, sont mûries depuis que le cloître est devenu caserne. Il y a une gravure du tombeau d’Eugène IV dans l’ouvrage de Litta, et M. Reumont l’a décrit. Isaïe de Pise a joui d’une grande renommée, puisqu’on voit un poète contemporain le comparer à l’auteur du Parthénon.