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la plantant en vigne, lui faire produire soixante hectolitres de vin par hectare, recule devant la dépense de plantations, parce qu’il aura à payer plus tard 4 ou 5 francs d’impôt par hectare !

Des économistes, partisans encore plus absolus de la thèse de la fixité de l’impôt foncier, prétendent même que le propriétaire actuel n’a pas qualité pour demander un dégrèvement. Ils disent que depuis près d’un siècle l’impôt est entré en considération dans toutes les transactions immobilières, qu’il s’est incorporé à la terre elle-même, qu’il a été un des élémens qui ont servi à la détermination du prix, que par conséquent c’est le possesseur de l’immeuble à l’époque où l’impôt a été établi qui a supporté la perte résultant de l’inégalité dans la taxation. Ils en concluent que le propriétaire actuel qui a acheté la chose diminuée de cette partie du revenu n’est pas autorisé à se plaindre de la répartition. On invoque également l’exemple de l’Angleterre, où, depuis près de deux siècles, les évaluations du revenu foncier sont restées immuables.

Ces raisons ne sont pas plus probantes. Il faut d’abord écarter l’autorité du précédent pris dans l’histoire financière de l’Angleterre, car le propriétaire foncier en Angleterre, vis-à-vis de l’état, est plutôt le débiteur d’une rente rachetable qu’un véritable contribuable. En France la contribution foncière a un autre caractère : c’est une taxe proportionnelle au revenu.

La législation française n’a jamais garanti au propriétaire la fixité du revenu cadastral pour un temps indéfini, mais seulement pendant l’existence légale de la matrice cadastrale. La facilité de renouveler, après une certaine durée, les évaluations du revenu découle du principe même de la proportionnalité de l’impôt. Elle a été d’ailleurs formellement proclamée dans le projet de loi de 1846, par lequel M. Lacave-Laplagne proposait de renouveler, après chaque période de trente ans, les plans parcellaires et les évaluations cadastrales. Le législateur l’a reconnu lui-même par la loi du 7 août 1850 ainsi que par les résolutions du 5 août 1874 et du 3 août 1875.

Une critique d’une autre nature est encore adressée au système qui supprime la répartition successive de l’impôt foncier entre les départemens, les arrondissemens, les communes et les contribuables. On lui reproche de transformer la contribution immobilière en un impôt de quotité.

L’administration des contributions directes, spécialement, admet l’impôt de quotité sur les revenus du commerce et de l’industrie ; nous pouvons même ajouter qu’elle l’admet également sur les propriétés bâties, du moins d’une manière implicite, puisqu’elle propose d’imposer toutes les constructions nouvelles d’une taxe de 5 pour 100 de leur revenu net, pour arriver finalement à soumettre