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suffisantes garanties d’exactitude pour justifier une opération aussi importante? Nous ne le pensons pas.

On ne peut pas admettre que les renseignemens recueillis par les contrôleurs auprès des autorités locales, des notaires et des principaux agriculteurs, seront toujours désintéressés et sincères. Les contenances des nouvelles cultures, dont les produits sont évalués, ne peuvent pas être établies, sans arpentage, avec une suffisante exactitude. D’un autre côté, les baux qui fournissent les moyens de contrôle les plus certains sont loin de procurer des informations complètes, et surtout de les donner dans des conditions égales pour toutes les contrées et pour toutes les cultures. Le ministre des finances reconnaît lui-même, dans l’exposé des motifs, que, si les baux sont très nombreux dans quelques départemens, ils sont très rares dans d’autres; qu’ils font même absolument défaut dans des régions entières; qu’ils sont loin d’embrasser dans des proportions égales toutes les natures de culture.

Ajoutons que les opérations seront faites dans chaque département par des agens différens qui ne jugeront pas de la même manière, qui n’apporteront pas, dans l’accomplissement de cette délicate et difficile mission, les mêmes préoccupations ni le même esprit : les uns seront portés à modérer les évaluations; d’autres, à les maintenir dans toute leur rigueur. Il est donc certain que les revenus de toutes les régions ne seront pas soumis à une mesure uniforme.

Le gouvernement a sagement abandonné le projet de surélever la part des départemens qui, d’après les résultats de l’estimation, seraient considérés comme étant au-dessous de la moyenne. Nous croyons, avec le ministre des finances, que les départemens dont les contingens seraient rehaussés, n’accepteraient pas une augmentation d’impôt fondée sur une opération qui peut être si justement contestée.

Ce système aurait produit d’ailleurs des résultats inadmissibles. En effet, la loi proposée n’imposant pas en même temps la rectification des pièces cadastrales, il en résulte que les inégalités qui existent actuellement dans les sous-répartitions communales auraient été maintenues; qu’elles seraient même aggravées dans tous les départemens dont les contingens subiraient une augmentation. On peut citer, à titre d’exemple, les résultats que donnerait la répartition du contingent nouveau dans le département de Seine-et-Oise. Les bois des environs de Paris ont été cotisés à un taux très élevé dans les opérations cadastrales, à raison de leur revenu à l’époque où le cadastre a été exécuté dans cette région. Depuis l’établissement des chemins de fer et le perfectionnement des voies navigables, l’usage de la houille et la concurrence des localités plus