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entendait : l’ordre apporté dans l’administration tout entière par une comptabilité européenne, le contrôle efficace des recettes et des dépenses, l’impôt foncier trouvant une base rationnelle dans l’établissement d’un cadastre, la protection des indigènes assurée contre les exactions dont ils sont trop souvent les victimes, en un mot, la réforme complète de la législation fiscale et de l’administration financière. Cette réforme, nous ne pouvions l’attendre que d’un ministère où l’élément européen eût une part légitime d’influence. » Émanées d’une commission internationale où l’Italie et l’Autriche avaient leur place, où l’Allemagne était représentée indirectement, ces déclarations étaient capitales. Ce n’étaient donc plus seulement la France et l’Angleterre, c’étaient toutes les grandes puissances qui reconnaissaient la nécessité de substituer en Égypte, au système de l’ingérence indirecte exercée par les consuls ou par des contrôleurs financiers, le système de l’ingérence directe pratiquée par des administrateurs européens. Vengeant le ministère anglo-français des attaques injustes et injurieuses dirigées contre lui par la classe dominante égyptienne, ainsi que par une fraction des colonies européennes et des créanciers, la commission d’enquête, qui était composée, comme on l’a déjà remarqué, d’hommes ayant étudié depuis de longues années la constitution morale et physique de l’Égypte, ayant examiné avec le plus grand soin tous les rouages de son administration et tous les ressorts de sa politique, — la commission d’enquête proclamait que ce ministère avait, en six mois, donné à ce malheureux pays un embryon d’organisation sur lequel les partisans du régime despotique ne s’acharnaient avec tant d’énergie que parce qu’il leur paraissait trop vivace. A l’heure même où on entendait dire partout que le ministère européen avait échoué, le seul juge éclairé, impartial, désintéressé, qui existât au Caire, affirmait au contraire qu’il avait admirablement réussi et que c’était pour cela qu’on allait le renverser dans une vulgaire conspiration.


IV.

C’est le 1er avril que la lutte s’est engagée ouvertement entre le khédive et ses ministres. L’échéance du coupon des emprunts à court terme tombait ce jour-là. M. Wilson vint proposer au vice-roi de la retarder de quelques jours afin que les porteurs de ces emprunts subissent le sort commun des créanciers égyptiens. Les emprunts à court terme sont tous des emprunts anglais; M. Wilson montrait donc un véritable courage en frappant d’abord ses compatriotes. Mais ces emprunts sont garantis par les produits de la moukabalah,