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anarchie était trop profonde pour qu’il fût possible d’évaluer avec quelque certitude les ressources et les revenus du pays, et de reconnaître par conséquent s’il était opportun « de recommander tant aux négociateurs du décret du 18 novembre qu’aux créanciers eux-mêmes un taux d’intérêt moins élevé. »

La question restait donc entière; l’organisation d’un ministère européen ne l’avait nullement tranchée. Mais, le moyen le plus sûr d’arriver à une solution équitable étant de maintenir une solidarité complète entre les créanciers et les contribuables, il était naturel de confier à la commission d’enquête non-seulement le soin de préparer un projet de décret sur la dette publique, mais encore celui de mettre un peu d’ordre dans l’amas confus des lois égyptiennes. En réorganisant cette commission, le ministère anglo-français la chargea donc de codifier et de réviser les décrets, règlemens, décisions administratives et financières de l’Egypte. C’était en outre un moyen d’obtenir un avantage politique qui n’était point à dédaigner. Un certain nombre de puissances pouvaient être jalouses de l’autorité particulière que le gouvernement anglo-français donnait à la France et à l’Angleterre; il fallait s’attendre à les voir réclamer une part dans la direction des affaires. On leur accordait spontanément cette part en transformant la commission d’enquête, composée des représentans de toutes les nations qui ont des droits financiers sur l’Egypte, en assemblée législative internationale. La chambre des notables étant incapable de remplir le rôle que l’on confiait à la commission d’enquête, celle-ci était mieux placée que personne pour s’en acquitter de manière à satisfaire tout le monde, Égyptiens et créanciers. On réservait d’ailleurs l’avenir : « Il appartient au temps et à l’expérience, disait le rapport adressé au khédive par le président du conseil, de démontrer quels élémens devront être, par la suite, appelés à concourir à l’œuvre si importante de la confection des lois et des règlemens généraux. » A chaque jour suffit sa peine ! Pour le moment, l’essentiel était de donner un code financier k l’Egypte, afin d’assurer aux contribuables et aux créanciers les garanties qui seules pouvaient faire accepter immédiatement par ces derniers des sacrifices devenus nécessaires, en leur procurant pour l’avenir l’avantage inappréciable d’une sécurité dont ils n’avaient jamais joui jusque-là.


II.

On le voit, les ministres anglais et français s’étaient trouvés, dès leur arrivée au Caire, en présence de difficultés politiques, administratives et financières singulièrement délicates, et ils en avaient