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M. de Rossi a compris dans son intéressante série, pour le XIVe siècle, la bulle d’or de l’empereur Louis de Bavière, qui date de 1328, et sur laquelle on voit, non pas précisément un plan de Rome, mais la réunion de ses principaux monumens étroitement groupés ensemble. Le palais du Capitole, dans lequel cet empereur ennemi du saint-siège avait reçu la couronne, n’apparaît nulle part plus complètement ; le Colisée, au milieu de la ville, n’a pas l’absurde toit légendaire. On croirait reconnaître un bas-relief antique ou une médaille, avoir les formes d’architecture classique, et non pas du moyen âge, qu’affecte cette curieuse représentation.

Il n’en est pas de même d’un plan datant peut-être de 1358, que M. de Rossi emprunte à un manuscrit de notre Bibliothèque nationale. Ce manuscrit, qui date du XVe siècle, contient le poème intitulé Dittamondo ; l’auteur, Fazio degli Uberti, est un imitateur de Dante. Il fait, lui aussi, un voyage imaginaire, en compagnie de l’érudit Solin. Le plan les représente tous deux regardant par-dessus les murailles, tandis que Rome même, vêtue en habits de veuve et la figure amaigrie, leur montre son deuil et ses ruines. D’une part les traces de l’influence des Mirabilia se retrouvent ici à plus d’un trait : le Colisée a son toit doré ; sur le Quirinal se dressent les deux célèbres groupes, œuvre prétendue de Phidias et de Praxitèle, qui ont tant étonné le moyen âge ; d’autre part, la physionomie générale, conforme sans nul doute à la réalité, est bien celle d’une ville close, sombre, fortifiée, partout sur la défensive. Les ponts sont des forteresses ; la tour de la Milizia, près du forum de Trajan, est toute une construction d’aspect féodal et militaire ; la ville se resserre si étroitement dans ses murs que l’auteur de la carte n’y peut indiquer tous les monumens.

D’autres plans de Rome viennent des manuscrits de cette traduction latine de Ptolémée qui eut tant de succès dans l’Europe occidentale vers le milieu du XVe siècle. Si ces plans conservent encore les mêmes erreurs traditionnelles, cependant on y remarque déjà un dessin moins imparfait, des proportions moins vagues, quelque recherche d’exactitude topographique. On s’aperçoit très vite qu’on touche à l’époque de la renaissance ; c’est le temps où un Brunellesco, un Donatello, Cyriaque d’Ancône, et surtout Léon Baptiste Alberti, l’ami de Laurent de Médicis, vont enseigner enfin le prix et le respect des monumens romains. Ces grands artistes les ont mesurés, relevés, dessinés suivant les règles de la géométrie et de la perspective. Les derniers plans de cette série que recueille M. de Rossi trahissent particulièrement une réelle transformation, qui nous transporte hors du moyen âge, et que nous étudierons après avoir exposé, avec le secours des documens nouveaux donnés par