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qu’il paraît, très simple, et ce n’est peut-être pas d’une application bien facile. Il est à présumer que, lorsque ces questions seront soumises à des maîtres exercés, elles s’éclairciront, et il est surtout à désirer que dans cette réforme des vieilles méthodes qui peut être nécessaire rien ne vienne altérer ou amoindrir cette belle culture littéraire qui fait les hommes, qui prépare les esprits à toutes les recherches de la pensée et de la science. M. le ministre de l’instruction publique, pour son début de grand maître dans les concours universitaires, a voulu à son tour reprendre ces questions qui existaient avant lui et qui lui survivront. Il était dans son droit et dans son rôle ; mais il ne s’en est pas tenu là, et la partie la plus importante, la plus significative du discours de la Sorbonne est évidemment celle qui reflète les préoccupations du moment, qui a la prétention de résumer ce qu’on pourrait appeler la politique de l’enseignement.

Où était la nécessité d’introduire la politique, une politique militante et agressive, dans une réunion universitaire, dans ce paisible domaine des études où le bien n’est jamais plus efficace que lorsqu’il s’accomplit sans bruit et sans fracas ? Malheureusement M. Jules Ferry ressemble à tous ceux qui sont sous l’obsession d’une idée fixe et qui, voyant les résistances se multiplier autour d’eux, ne laissent échapper aucune occasion d’entrer en guerre, M. le ministre de l’instruction publique tient à paraître armé en guerre jusque dans la vieille Sorbonne. Il est le déplorable jouet d’une préoccupation obstinée, et pour s’être engagé plus qu’il ne le fallait pour la paix des esprits, il se croit obligé d’aller jusqu’au bout, au risque de mettre dans ses discours beaucoup de déclamations à la place des bonnes raisons. Sa mission spéciale, à ce qu’il paraît, est de tout sauver, à commencer par « l’âme de la France » qu’il est chargé de disputer à M. Chesnelong pour la conduire dans la voie de l’émancipation laïque. Sans lui tout est en péril, les principes de 1789 l’ordre civil, l’indépendance de la société française. Les exemples de Philippe le Bel et d’Henri IV lui crient du fond du passé de résister aux envahissemens ultramontains, de renier des idoles devant lesquelles la vieille France elle-même a toujours refusé de se prosterner ! C’est une idée fixe, — et tout cela pour arriver à motiver, trente ans après la proclamation de la liberté de l’enseignement, un article de lui qui exclut arbitrairement du droit commun un certain nombre de citoyens revêtus de la robe religieuse ! Tout cela pour expliquer cet article 7 qui, à dire vrai, est l’unique ou la plus grosse difficulté des lois sur l’enseignement ! M. Jules Ferry a la naïveté ou l’infatuation de croire que dans cette lutte témérairement engagée il représente le droit de l’état et que ce qu’on s’efforce de combattre en lui c’est ce droit de l’état. Il est la dupe d’une singulière illusion. S’il ne s’agissait que de restituer à l’état ses prérogatives légitimes, personne ne le contredirait sérieusement ou du moins il trouverait sans difficulté une immense majorité pour