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absolue ; tous se perdaient dans des labyrinthes sans issue. Province contre province, cité contre cité, famille contre famille, faisaient une vaste scène de jalousie, de dénonciations, d’excommunications mutuelles et de haines. »

Ce passage donne bien l’une des manières de Motley, la manière pittoresque, pleine de ressouvenirs de Macaulay, des peintres hollandais, peut-être aussi de Walter Scott, si historien dans beaucoup de ses romans, non par la science, mais par une sorte de divination des hommes, des mœurs et des caractères. Motley n’est pas toujours aussi romantique, il est d’ordinaire plus sobre, plus concis, plus sévère. Les historiens néerlandais lui ont reproché le manque d’impartialité. M. Groen van Prinsterer, le savant éditeur des archives et de la correspondance de la maison de Nassau, a publié un livre où il critique les jugemens de Motley sur Maurice de Nassau, et sur Barneveld. Dans le duel entre ces deux personnages, Motley se met du côté de la victime ; M. Groen van Prinsterer prend le parti de Maurice. La querelle des remontrans et des contre-remontrans n’était pas l’éternelle querelle de l’église et de l’état, c’était au fond une querelle politique. L’avocat de Hollande réclamait pour chaque province le droit de choisir sa religion d’état. Maurice voulait que toutes les provinces eussent la même religion d’état et que la forme particulière de cette religion fût déterminée par les états-généraux. Barneveld inclinait personnellement à la tolérance ; mais personne autour de lui n’était tolérant : tout le monde voulait une religion officielle ; seulement les uns voulaient de petites églises provinciales ; Maurice ne voulait qu’une seule église, comme il n’avait qu’une armée. Philosophiquement, il avait tort ; historiquement, il avait raison. Il lui était nécessaire de bander toutes les forces de son pays contre l’Espagne ; et il ne pouvait laisser durer l’anarchie dans les églises.

M. Groen van Prinsterer affaiblit singulièrement ses critiques contre Motley en se mettant sur le terrain théologique : « Pour établir, dit-il, la différence, ou pour mieux dire le contraste, entre le point de vue de M. Motley et le mien, entre la croyance unitaire et la croyance évangélique, je suis un fils de Calvin… Je suis fidèle à la devise des réformateurs : « la justification par la foi seule et le monde de Dieu dure éternellement. » Je considère l’histoire au point de vue de Merle d’Aubigné, de Chalmers, de Guizot. Je désire être disciple et témoin de notre maître et seigneur, Jésus-Christ… M. Motley est libéral et rationaliste. Il devient, en attaquant le principe de la réforme, l’ennemi passionné des puritains et de Maurice, l’apologiste ardent de Barneveld et des arméniens. Il est entendu, et il n’en fait point mystère, qu’il incline vers la doctrine vague et incertaine des unitariens. » M. Groen van Prinsterer reproche à Motley de ne