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du Rhin ou des Alpes à l’Océan, naquit un sentiment de solidarité qui fit la nation. Ce sentiment fut puissamment aidé sans doute par le fait physique d’un lien de parenté, visible dans l’affinité des idiomes. Il y a certainement dans l’ancienne ethnographie un groupe celtique et un groupe germanique. Il n’en reste pas moins que, relativement à des Gaulois plus anciennement établis en Gaule, il y eut des Gaulois qui, géographiquement, étaient encore Germains. Il nous semble que, pour se rendre compte de cette formation nationale, on n’a pas assez fait attention à la différence qui existe encore, au temps de César, entre les Gaulois proprement dits et les Belges séparés d’eux par la Seine et la Marne. La Belgique d’alors, plus arriérée en civilisation et en assiette définitive que la Celtique proprement dite, compte des cités qui ont encore le clair souvenir d’être passées de Germanie en Gaule. Cependant la Belgique en somme est gauloise, se dit gauloise, se bat pour la Gaule. Les noms d’hommes et de lieux sont gaulois ; mais elle est encore en voie de formation. Les populations ont encore quelque chose d’instable. Continuellement elle reçoit des nouveaux venus d’outre-Rhin, et l’on ne voit pas qu’ils soient mal reçus, qu’on se coalise pour rejeter les intrus de l’autre côté du fleuve. Au contraire, vers la Séquanie (Franche-Comté), l’Autunois, l’Arvernie, Arioviste et ses hordes sont des étrangers auxquels on ne reconnaît pas le droit de venir s’établir en Gaule, qu’on veut chasser à tout prix, et César va très habilement profiter de cette haine du Germain pour se poser en défenseur de la Gaule. Nous résumerions volontiers cette différence en disant que le Belgium, à partir de la Seine et de la Marne jusqu’au Rhin, c’est la Gaule encore devenante, tandis que, de ces deux cours d’eau à la Garonne et à la mer, c’est la Gaule devenue.

Il vint donc des Gaulois du Danube et du Rhin. Il paraît bien que c’est en remontant le premier de ces deux fleuves que les premiers Celtes ou Gaulois arrivèrent lentement dans le pays dont ils allaient faire la Gaule. Mais combien de temps dura cette migration séculaire ? C’est ce qu’il est impossible de dire. Il y a des traces, un siècle avant Alexandre, de leur présence jusque sur les bords de l’Adriatique. Les noms de lieu d’origine celtique, le long de la grande vallée danubienne, se comptent par centaines. Vienne en Autriche (Vindobona), Belgrade (Singidunum), Silistrie (Durostorum), Isaatcha (Noviodunum), ont porté des noms dont les synonymes ou les analogues se retrouvent sur les bords de la Marne, de l’Oise et du Rhône. Aux IIIe et IVe siècles de notre ère, les inscriptions en font foi, on reconnaît encore une foule de noms de personnes parfaitement gaulois dans la région moyenne du Danube.

Le grand courant de l’immigration celtique dut déboucher par