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grande conspiration nationale qui faillit arracher à César la Gaule expirante. Le Beauvoisis, le pays de Caux, l’Armorique étaient aussi couverts de bois. Très certainement de nombreuses clairières avaient été déjà pratiquées dans cette immense région forestière, et elles tendaient à se réunir rapidement, puisqu’il y a des traces d’ordonnances sévères contre ceux qui déboiseraient sans nécessité. Mais il n’est jamais question de reboisement.

Il nous faudrait répéter presque tout ce que nous avons dit dans notre étude sur la Gaule au temps de Vercingétorix pour suivre M. Desjardins dans sa nomenclature des productions du sol gaulois. Sa fertilité sous le double aspect des céréales et des prairies était déjà vantée dans l’antiquité, et l’une des causes qui détournèrent les Romains de tenter la conquête de la Germanie fut la très mauvaise opinion qu’on avait des terres germaines. L’étendue des forêts et surtout des grandes chênaies devait favoriser l’élève du porc dont les Gaulois faisaient une consommation très grande. La charcuterie gauloise était même très appréciée des gourmets de Rome. Notons, puisque nous en sommes au chapitre des comestibles, que les huîtres des Meduli (Médoc), proches parentes de celles d’Arcachon, et qu’on appelait les bordelaises, celles des Santones (Saintonge), grand-mères de nos marennes, les armoricaines qu’on allait probablement chercher dans la baie de Cancale, étaient très réputées, et les amateurs disputaient sur leurs mérites respectifs. En définitive et comme résultat de toute cette géographie physique, nous pouvons dire que, si l’on fait abstraction du travail humain, il n’y a pas grand’chose aujourd’hui sous le soleil de France qui diffère essentiellement de ce qu’éclairait celui de la Gaule.


II

Il s’agit maintenant d’animer la scène dont nous venons de décrire les contours et les principaux décors. Quelles étaient les populations réunies sous le nom collectif de Gaulois ou de Celtes entre le Rhin, les Alpes, les Pyrénées et la mer, lorsque Rome entreprit de les soumettre ?

D’avance nous savons que plusieurs élémens distincts, dont quelques-uns même n’étaient nullement fondus avec leurs voisins, concouraient à peupler ce grand territoire. Ils n’étaient pas indigènes au sens strict du mot. Antérieurement aux migrations qui ont laissé quelques traces dans l’histoire, il y avait certainement des êtres humains sur la terre qui devait un jour s’appeler la Gaule. Les découvertes faites dans le cours des dernières années en matière préhistorique nous ont révélé l’existence, remontant à une antiquité prodigieuse, de populations probablement assez clairsemées,