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dans l’intérêt du succès de la réforme. Au premier abord le roi n’aurait point été, dit-on, absolument opposé à la pensée d’une révision constitutionnelle ; il n’aurait pas cependant admis les conditions qui lui étaient présentées. En définitive le roi Guillaume a fait évidemment des objections sérieuses aux projets de M. Kappeyne, et le résultat a été la démission collective du ministère, qui cette fois a été acceptée. Cette démission donnée et acceptée est-elle maintenant irrévocable ? C’est là justement encore la question qui se débat en Hollande. Le roi s’est empressé, il est vrai, d’appeler auprès de lui deux des chefs du parti libéral, M. Fransen van de Putte et M. Cremers, qui se sont rendus au château de Loo, et les deux politiques hollandais ont un instant accepté la mission de former un cabinet. M. van de Putte et M. Cremers sont retournés à La Haye, ils ont réuni leurs amis, et au bout du compte, ils ont trouvé dans leur propre camp de telles divisions qu’ils ont dû renoncer presque aussitôt au mandat qui leur avait été confié. On a commencé par un imbroglio, on arrive à une crise véritable, qui n’est point faite pour troubler la Hollande, mais qui après tout a sa gravité,

Que va faire en effet le roi Guillaume ? Confier le gouvernement aux chefs du parti libéral, il vient de le tenter, il n’a point réussi. Rappeler encore une fois l’ancien ministère et lui laisser le soin de réaliser jusqu’au bout ses projets, c’est devenu bien difficile. Aussi dit-on déjà que le roi appellerait aux affaires les représentans principaux du parti conservateur, le comte van Lynden, M. van Heemskerk. Ce sont des hommes parfaitement distingués, les meilleurs de leur parti, estimés de leurs adversaires eux-mêmes pour leur caractère et pour leurs talens ; mais ils vont se trouver en présence d’une majorité libérale qui, après s’être divisée dans la victoire, peut retrouver sa cohésion et sa discipline dans l’opposition. Ce qui n’est point douteux, c’est que, si le pouvoir passe de nouveau aux conservateurs, c’est la faute des libéraux ; ce sera surtout la faute de cette proposition de révision constitutionnelle, qui a été lancée un peu à l’aventure, qui trouve l’opinion peu préparée, peu disposée à se passionner pour de telles questions. Elle n’était certes pas des plus opportunes, cette proposition de réforme, dans un moment où le gouvernement et les chambres ont tout à faire, et les finances à équilibrer, et les intérêts du commerce à sauvegarder, et les travaux publics à poursuivre dans la métropole comme aux Indes, et la guerre d’Atchin à mener enfin au terme. Le bon sens national aidant, on sortira sûrement de ces complications. C’est en Hollande surtout que la politique des agitations inutiles ne serait pas longtemps populaire.


CH. DE MAZADE.


Le directeur-gérant, C. Buloz.