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qu’on ne la sert. On ne s’aperçoit pas que, pour quelques cliens toujours prêts à se donner à tous les régimes sans marchander les obséquiosités, les marques d’un dévoûment banal ou intéressé, on décourage d’honnêtes gens qui ne refuseraient pas leur appui, qui pourraient rendre des services précieux à la condition d’être respectés,

Qu’est-ce à dire d’ailleurs ? où en arriverait-on avec cette intervention incessante de la politique dans la distribution des fonctions ? S’il faut être avant tout républicain à la mode du jour, si l’opinion est un titre suppléant à tout au besoin, à quoi reconnaîtra-t-on la qualité de l’opinion ? Depuis quand faudra-t-il avoir été républicain ? à quelle date fera-t-on remonter l’orthodoxie ? Aujourd’hui on y met de la bonté, on jette un voile sur le passé, on ne remonte pas au delà, de la constitution qui a organisé la république nouvelle. Demain ce ne sera plus assez, il faudra de plus vieux titres de noblesse, des années d’ancienneté bien constatées, et qui sait ? on fera peut-être revivre cette vieille classification de républicains de la veille et de républicains du lendemain, qui a eu autrefois une si belle fortune, qui a si merveilleusement servi la république de 1848. Le gouvernement n’en est point là certainement, il ne veut pas laisser la désorganisation entrer dans l’administration sous prétexte de politique ; il ne demande pas mieux que de laisser d’honnêtes employés à l’exercice paisible de leurs fonctions ; mais est-il toujours maître lui-même de faire ce qu’il veut, de résister aux sollicitations, aux exigences de ceux qui se disent quelquefois ses meilleurs alliés et qui prétendent servir bien mieux que lui la république ? Le ministère s’efforce sans doute de limiter ses concessions, il fait, selon l’expression vulgaire, la part du feu, il ne veut pas aller trop loin ; il a devant lui et autour de lui des républicains plus impatiens, le conseil municipal de Paris par exemple, et ce conseil, qui est occupé à chercher un logement depuis que le sénat doit revenir au Luxembourg, est un pouvoir destiné peut-être à créer un jour ou l’autre, de singuliers embarras. Le conseil municipal de Paris, quant à lui, n’est pas d’humeur conciliante et modérée ; il a sa politique parfaitement révolutionnaire qu’il applique à tout indifféremment, et lorsqu’il n’est pas absorbé par le soin patriotique d’expulser des frères ou des religieuses de leurs écoles, il est tout entier à une révolution d’un autre genre.

Oui vraiment, le conseil municipal de la première des villes de France est tout entier aujourd’hui à une œuvre des plus graves et toute républicaine. Il s’occupe de bouleverser les dénominations des rues et des boulevards de Paris. Il est vrai, beaucoup de ces honnêtes rues gardaient jusqu’ici, sans penser à mal, et sans se figurer qu’elles étaient appelées à jouer un rôle politique, des noms qui avaient fini par devenir familiers à tout le monde. Le conseil municipal de Paris ne l’entend pas ainsi. Il fait la guerre aux souvenirs, et non-seulement aux souvenirs d’un temps relativement récent, mais à tout ce qui rappelle le passé. Il épure à sa