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nouvelles recherches, mais toujours avec des résultats négatifs. L’une des explorations les plus étonnantes et les plus hardies fut celle exécutée, en 1513, par Nunez de Balboa, qui, en entendant les indigènes lui parler toujours d’une grande mer à l’ouest, se mit résolument en route pour la découvrir. Il arriva, après des fatigues inénarrables et vingt-six jours de marche, en vue de l’Océan-Pacifique. A lui revient sans partage la gloire d’avoir été le premier Européen qui ait accompli le voyage interocéanique. La force de volonté qu’il fallut à ce Nunez pour passer, à cette époque et sans chemin tracé, de l’Atlantique au Pacifique est au-dessus de tout ce qu’on peut attendre de l’énergie d’un homme.

Après tant de recherches, il fallut désespérer de rencontrer un passage naturel ou artificiel, d’autant plus que probablement il n’y avait jamais eu de canal entre les deux océans. L’isthme de Panama n’avait point eu son Pharaon comme l’isthme de Suez, non parce que la nature du sol américain ne se prêtait pas aussi aisément que la nature du sol africain à l’ouverture d’un passage, mais en raison de l’état de barbarie relative dans lequel se trouvait le Nouveau-Monde à l’époque de sa découverte. Quelles que fussent la splendeur et la richesse des villes les plus populeuses de l’Amérique à cette époque, de Mexico par exemple ; quelle que soit la grandeur de la civilisation qu’attestent les ruines muettes de Copan, d’Uxmal, de Quiché, de Mitla et de Palenque, il est permis d’affirmer qu’il n’y eut jamais en Amérique de villes commerçantes comme Tyr, des navigateurs aussi hardis, que les Phéniciens, une civilisation comme celle qui forçait les rois d’Égypte à faire ouvrir un canal de la Mer-Rouge à la mer Méditerranée pour apporter jusqu’aux portes de Thèbes, de Memphis et de Babylone les riches produits des Indes orientales et les cèdres de la Trapobane.

A quoi eût servi un canal interocéanique aux Indiens de l’isthme de Panama et à leurs voisins du nord et du sud, s’il n’y avait pas de transactions commerciales entre eux et l’ancien monde, ou tout au moins entre les deux grands continens américains ? La nécessité d’un passage ne devait s’imposer que lorsque les Amériques auraient besoin de l’Europe et l’Europe des Amériques, quand viendrait l’époque où le temps serait considéré comme aussi précieux que l’argent, où les relations entre les deux hémisphères seraient incessantes comme aujourd’hui.

Lorsque les Espagnols furent bien persuadés qu’il n’y avait pas de détroit naturel entre les deux océans, ils s’occupèrent de la possibilité d’en ouvrir un artificiellement. L’isthme de Tehuantepec, arrosé par deux rivières, muni de deux ports, à proximité de la Vera-Cruz sur l’Atlantique et d’Acapulco sur le Pacifique, leur parut