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tour ardente, nom qui rappelle sa destination première. D’après la chronique d’Éginhard, Charlemagne la fit restaurer et rétablit à son sommet les feux qui étaient éteints depuis plusieurs siècles. En 1545, les Anglais, maîtres de Boulogne, englobèrent la tour de l’Ordre dans leurs fortifications et la convertirent en donjon de forteresse. Le fort et la tour s’écroulèrent en 1684.

A peu de chose près, c’étaient les dispositions fondamentales de la tour d’Alexandrie. Sauf quelques réductions dans les dimensions, c’étaient aussi celles du phare de Fréjus. Celui-ci existait au pied de la citadelle, à l’origine même de la grande jetée. Il les reliait entre elles par le moyen de chemins couverts dans lesquels on pouvait circuler en sûreté. Le fort, séparé de la ville par le canal de l’Argens, qu’on avait détourné pour produire une chasse au fond du port, tenait ainsi au môle par l’intermédiaire du phare. Comme à Alexandrie, à Ostie et à Boulogne, la tour était à plusieurs étages, en retrait les uns sur les autres jusqu’au sommet ; des salles étaient établies à chaque étage pour les surveillans, cohortes vigilum, et les dépôts de matières combustibles qu’on brûlait au sommet de l’édifice. Les vestiges du monument permettent encore de distinguer la plate-forme inférieure, le chemin de ronde et l’escalier qui conduisait à la salle du premier étage ; au centre, un amas de briques en forme de secteur paraît provenir des colonnes placées à la partie supérieure dans la chambre du fanal. Mais la tour, dont les ruines branlantes s’élevaient encore, il y a à peine cinquante ans, à près de 25 mètres, s’est complètement écroulée depuis peu, et il est aujourd’hui presque impossible de faire une restauration certaine du monument et d’en fixer la hauteur même approximative.

Non loin du phare on voit encore la porte célèbre que l’on désigne vulgairement sous le nom de porte dorée ; elle touche à la citadelle et à l’enceinte de la ville. Cette porte, exécutée avec beaucoup plus de soin que toutes les constructions de Fréjus, est formée d’assises très régulières de grès rouge, de porphyre et de briques ; elle est incontestablement d’une époque postérieure à la plupart des monumens de la ville, et paraît avoir été ornée avec une sorte de magnificence. On a en effet retrouvé tout autour des débris très nombreux de plaques de marbre, des chapiteaux, des fragmens d’entablemens et de statues, parmi lesquelles une tête de Jupiter d’un assez beau style, sculptée à l’effet, comme un ouvrage destiné à la décoration. La porte n’est d’ailleurs qu’une partie d’un grand portique ou stoa qui était éclairé par de grandes arcades et précédait un édifice fort vaste, composé de plusieurs salles dont la plus grande, disposée suivant un ordre ionique en marbre blanc, était ornée de niches et de statues.