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raconté ici même comment il avait été sauvé. Les autres avaient pris toutes leurs mesures pour échapper à la justice du pays. Ceux que l’on arrêta pendant le combat furent rares ; Assi et Amouroux, dans la nuit du 21 mai, allèrent se jeter étourdiment à travers une patrouille de troupes françaises, qui les déposa en lieu sûr. Amouroux s’était prémuni de faux papiers d’identité au nom de Gheisbreght ; il n’en fut pas moins envoyé à Brest sur les pontons, où il fut reconnu, le 31 août 1871, et la suite d’une tentative d’évasion à la nage qui avait spécialement appelé l’attention sur lui. Quelques, jours après la chute de la commune, on arrêta Paschal Grousset. Mis en voiture, accompagné de deux inspecteurs de police, il fut reconnu. La foule voulait le déchirer. Ce fut horrible, et l’on eut grand’peine à protéger ce malheureux contre les sauvages qui demandaient sa mort. On ignorait son nom, on savait seulement qu’il avait appartenu à la commune, et cela suffisait alors pour susciter d’implacables colères. Des chiffres prouveront combien peu les chefs de l’insurrection croyaient à la victoire, et quelles précautions ils avaient habilement combinées pour se dérober : soixante-dix-neuf personnages ayant été membres de la commune sont présens à Paris au moment où la France force les portes de sa capitale ; Delescluze est tué, Rigault et Varlin sont fusillés ; Vermorel doit mourir de ses blessures ; quinze sont promptement arrêtés et reconnus ; plus tard on déterminera la personnalité d’Amouroux, et on s’emparera d’Arnold et d’Emile Clément. Vingt-trois sur soixante-dix-neuf, cela fait honneur à l’agilité des cinquante-six autres. Parmi les quatorze généraux de la commune, deux furent tués, Duval et Dombrowski ; deux furent arrêtés, et dix décampèrent en temps opportun ; quant aux cent trente-trois colonels et lieutenans-colonels qui caracolaient si mal à la tête de leurs troupes, ils ne laissèrent que quarante-six d’entre eux aux mains de la justice. Dans cet énorme état-major de législateurs et d’officiers qui, vingt fois par jour, juraient de périr en défendant le drapeau rouge, je n’en vois que deux qui aient su mourir et n’aient point voulu survivre à l’anéantissement de leurs illusions : Delescluze et Vermorel ; j’y ajouterai Edouard Moreau du comité central, qui peut-être eût réussi à se sauver, s’il l’avait sérieusement voulu.

Si la commune eut beaucoup de courage civique et une grande fermeté dans ses revendications sociales, on ne s’en aperçut pas lorsque ses membres arrêtés comparurent devant le troisième conseil de guerre présidé par le colonel Merlin. Les accusés étaient au nombre de dix-sept, dont il faut distraire Lullier et Ulysse Parent. Le premier ne fut jamais membre de la commune ; le second avait été Volontairement démissionnaire. On lui aurait sans doute évité une