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moitié, ou bien on en suspendait le paiement pendant plusieurs mois pour forcer les intéressés à se racheter des réductions et des suspensions moyennant une taxe dite de rétablissement. Les épices, qui formaient le plus clair des profits, donnaient lieu aux mêmes manœuvres. Les taxations des tarifs variaient suivant les besoins du trésor. Les diminutions, les augmentations se succédaient à des intervalles plus ou moins éloignés, et l’effet en était d’autant plus désastreux que les traitans, que l’on trouvait partout lorsqu’il s’agissait de faire le mal, étaient chargés des opérations. Ils avançaient les fonds des taxes et procédaient aux recouvremens. Parmi les juges, les uns pouvaient payer, d’autres ne le pouvaient pas, Les traitans obtenaient alors un arrêt de solidarité contre tous les membres du même siège. « Ceux qui ont payé, dit un rapport présenté le 17 juin 1717 au conseil des finances, paient pour les insolvables, et, s’ils ne le peuvent, exécutions, ventes des meubles, garnisaires, retenues de gages. Les officiers des provinces sont réduits pendant plusieurs années à avoir pour tous meubles un lit sans rideaux, une marmite de fer et des cuillers de bois : de là le proverbe : Il est meublé selon l’ordonnance. » La paulette n’était elle-même qu’une garantie illusoire. Louis XIII, pour la confirmer, força les titulaires de verser au trésor le quart de la valeur vénale de leurs offices. Sous Louis XIV, ils en demandèrent l’abolition ; elle leur fut accordée moyennant le paiement d’une somme de 40 millions, et quelques années plus tard elle était rétablie dans des conditions plus onéreuses que par le passé.

Une ordonnance de Louis XI, datée du 21 octobre 1467, porte que les officiers de judicature ne pourront être privés de leurs charges que « pour forfaiture préalablement jugée et déclarée judiciairement, selon les termes de justice et par juges compétens. » C’était, en d’autres termes, proclamer l’inamovibilité ; mais Louis XI fut le premier à violer la loi qu’il avait faite, et cette loi sous l’ancienne monarchie ne fut jamais qu’une fiction, attendu que si le gouvernement ne destituait pas le juge, il pouvait toujours supprimer la charge, en la remboursant. Il était donné à la révolution de faire disparaître en un jour et d’un seul coup les abus contre lesquels la conscience publique protestait en vain depuis des siècles, de donner satisfaction aux vœux des anciens états-généraux et d’établir l’unité de juridiction sur les ruines de la féodalité ecclésiastique et laïque. Ce fut là un de ses grands bienfaits. Par la loi du 24 août 1790, l’assemblée nationale fit table rase des institutions