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intéressés recouraient volontairement, l’autre coactive, qui s’exerçait par évocation royale. Les officiers de la couronne avaient dans leur ressort les métiers de Paris, qui correspondaient aux charges qu’ils occupaient dans le personnel de la maison ou plutôt de la domesticité royale. Le parlement connaissait des causes où n’étaient point engagées des questions féodales, mais il pouvait juger, pour des délits de droit commun, les membres de la plus haute noblesse. Cette organisation était des plus confuses. La justice royale se trouvait entravée partout dans les provinces par l’église, la seigneurie et la commune ; elle n’y avait pas de représentans. Philippe-Auguste lui en donna en 1190, par la création des prévôts et des baillis.

Les prévôts étaient des juges inférieurs, qui cumulaient les fonctions administratives avec les fonctions judiciaires. Ils s’adjoignaient des assesseurs choisis parmi les hommes libres, comme les comtes sous la monarchie franque, car à travers toutes les transformations, on retrouve toujours, plus ou moins marquée, l’empreinte des institutions antérieures. Les baillis étaient des juges d’appel, qui surveillaient les prévôts et révisaient au besoin leurs sentences, dans des assises mensuelles ; ils ressortissaient eux-mêmes au parlement. L’existence de ces officiers avait pour les sujets l’avantage de les protéger contre l’arbitraire des seigneurs, et de leur offrir les garanties d’un double appel, pour les rois de faire pénétrer leur autorité dans les fiefs. L’institution se développa rapidement, parce qu’elle répondait à des besoins réels, et le nombre des prévôtés, qui n’était que de quarante-cinq en 1200, s’élevait en 1223 à soixante-treize.

Momentanément suspendu sous Louis VIII, dont le règne, dans sa courte durée, fut rempli tout entier par les guerres contre les Anglais et les comtes de Toulouse, le travail d’organisation fut repris par saint Louis. Ce prince, le seul de sa race qui ait subordonné les calculs de la politique aux inspirations de la conscience, modifia, dans l’intérêt des classes inférieures, le caractère jusqu’alors exclusivement féodal du parlement, composé tout entier de feudataires, c’est-à-dire de juges qui connaissaient, en dernier ressort, des sentences rendues par leurs propres officiers ; il leur adjoignit, comme représentans directs de la couronne, quelques-uns des hauts fonctionnaires de l’état, tels que le connétable et le chancelier, et des légistes qu’il nommait au choix. Ceux-ci, sous le nom de conseillers rapporteurs, furent chargés d’instruire et d’exposer les affaires ; ils formaient une section particulière : les grands feudataires et les hauts fonctionnaires en formaient une autre, et, sous le nom de conseillers juges, ils rendaient les arrêts. Ce